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Misère de l’antisionisme ordinaire. L’exemple d’un grand Lycée français à l’étranger – 4/5

 

Olivier : Quelqu’un a-t-il réagi à cette condamnation du Conseiller Culturel adjoint et à ces manigances du Snes ? 

Patricia : A l’intérieur du Lycée, quelques-uns publiquement (Yvette, par exemple) et d’autres plus discrètement m’ont apporté leur soutien.

A l’extérieur du Lycée, j’ai eu l’appui de nombreuses personnes avec qui je travaillais habituellement et qui sont intervenues à différents niveaux. L’historien Jean-François Forges a décidé d’écrire dans un premier temps au Conseiller Culturel adjoint et au Secrétaire général du Snes en France et puis à S., le responsable national. Malgré ses relances, il n’a jamais reçu de réponse. Ces courriers qui exposent avec rigueur le déroulement des faits posent aussi des questions pertinentes malheureusement restées sans réponse. (documents 6, 7, 8 et 9) :

Document 6  ou note 6 consultable au bas de cet article.

Document 7  ou note 7 consultable au bas de cet article.

Document 8  ou note 8 consultable au bas de cet article.

Document 9  ou note 9 consultable au bas de cet article.

3 – Les représentants du Snes feront échouer à plusieurs reprises tous les efforts du proviseur visant à faire cesser ce déferlement de haine.

 

Olivier : Ce syndicat doit vraiment être tout puissant. La Direction du Lycée est-elle à ce point impuissante?

Yvette : Effectivement, il était et est tout puissant. Il protège systématiquement ses adhérents ou sympathisants face à la Direction. Les menaces de grève constituent la meilleure forme d’intimidation. En France, le recteur de l’Académie peut déplacer un enseignant qui a commis une faute grave. A l’étranger, cela signifie que le professeur doit quitter le pays où il a une vie familiale la plupart du temps ; c’est donc impossible ! Parallèlement, ce même syndicat très présent dans les diverses Commissions Paritaires abandonne à leur sort ceux qui n’obéissent pas aux mots d’ordre.

Ce syndicat fera surgir de nombreuses pétitions « spontanées » qui circuleront pour exiger que la Direction « rétablisse une bonne ambiance en salle des professeurs » ! Et ceux qui réclament cela sont les mêmes qui ont pourri l’ambiance…

4 – Un récit mensonger (il n’a vraiment plus rien à voir avec ce qui est arrivé) circule dans d’autres Lycées français du pays.

 

Olivier : C’est une petite affaire stalinienne. As-tu un document qui atteste de ce récit mensonger ? 

Patricia : Oui Olivier, le hasard a voulu qu’un ami historien rencontre au cours d’un stage sur la Shoah, pendant les vacances d’été 2009, un enseignant d’un autre Lycée français du pays. Je te donne un extrait du mail que m’a adressé cet historien le 1er septembre 2009 :

… Je reviens de notre université d’été en Pologne, il y avait là un professeur d’Histoire/Géographie du Lycée français de ….. Il avait eu vent des conflits dans ton établissement, surtout via tes antagonistes (je ne sais pas comment les appeler ?) : la rumeur parlait de « sionisme », ça doit être aussi dangereux que la grippe porcine…

Voilà comment avec humour cet historien nous révèle les vrais  motifs de cette affaire fabriquée, tissée, mensonge après mensonge, calomnie après calomnie, et qui dépasse largement les frontières de notre établissement. Nous sommes loin des allégations de « liberté pédagogique » et autres inventions. Précisons tout de même que je n’ai jamais parlé d’Israël avec les élèves, je n’en dirai pas autant de tous les professeurs…

Pas plus tard qu’en janvier 2014, alors que l’affaire Dieudonné agitait la société française, le Snes a affiché un communiqué émanant du bureau de Paris appelant au BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre Israël), contrevenant ainsi à la loi interdisant le BDS. Un seul collègue renonçant à une attitude passive face aux décisions du Snes demanda courageusement le retrait du texte affiché (document 10) :

Document 10   ou note 10 consultable au bas de cet article.

10 - Livre de Georges BensoussanTu vas voir à quel point la pression est  forte. Après 2009, je décidai de ne plus organiser de voyage ou d’activités sur la Shoah au Lycée. Je ne reprendrai qu’en 2013 mais seulement dans mon département, l’italien (Cf. Conférence sur Edith Bruck de mars 2013).

En 2011, un de mes collègues qui avait l’habitude de m’accompagner a décidé d’organiser un voyage à Auschwitz, voyage financé par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (FMS). A son retour, le compte rendu du voyage porte sur… Nagasaki, au prétexte qu’il a rencontré un survivant de Nagasaki dans l’auberge où il se trouvait avec les élèves et que celui-ci a accepté de leur raconter son histoire. La première phrase de ce compte-rendu est hautement significative : «…Nous étions à Auschwitz pour étudier ce lieu symbole de la Shoah et le hasard nous a fait rencontrer une autre page tragique de l’histoire de l’humanité : la bombe atomique. ». A partir de là, plus un mot sur les objectifs premiers du voyage… c’est-à-dire l’histoire de la Shoah et du camp d’Auschwitz.

Le même professeur a ensuite emmené ses élèves à Rivesaltes. Il est difficile pour un professeur d’histoire de ne pas évoquer la présence des Juifs dans ce camp mais les documents officiels du Lycée annonçant ce voyage ne parlent que des Républicains espagnols. Bien que cet enseignant ait été formé à l’enseignement de l’histoire de la Shoah aux frais de la FMS et de Yad Vashem pendant des années, il s’est peu à peu rapproché opportunément de ceux qui ne voulaient pas entendre parler de la Shoah.

Je peux te donner un autre exemple des pratiques staliniennes du Snes. En janvier 2010, Luc Rosenzweig qui a eu vent de l’affaire et en a compris les ressorts publie l’article ‟Snes, syndicat voyou” sur le site du journal Causeur. Vychinski, à l’instar du reste de la clique, est très irrité mais personne ne me dit rien, je ne fais que subir portes claquées au nez et visages courroucés. Peu après la publication de cet article, les principaux responsables locaux du Snes se rendent chez l’ambassadeur pour lui demander d’intervenir.

 

Olivier : Contre la liberté d’expression du journaliste ? 

Patricia : Bien sûr, l’ambassadeur n’a pas cédé à ces injonctions mais cela en dit long sur le rôle que s’attribue le Snes comme groupe de pression.

On retrouve cette manie d’exiger des sanctions à l’Institution, suite au compte rendu d’une conférence sur la Shoah qui s’était très mal passée en mai 2010, compte rendu publié par Primo Info et rédigé par Yvette et moi. Il est alors rappelé aux membres du Snes que la liberté d’expression est un droit. Petite précision : les dirigeants du Snes n’ont jamais informé leurs affiliés de ces diverses démarches « diplomatiques ».

Après un congé maladie pour cause d’anxiété, Patricia s’adresse à des avocats qui rappellent par courrier aux principaux intéressés que la diffamation constitue un délit ! Ces courriers contraignent l’Ambassade de France à reconnaître la gravité de l’‟affaire du Lycée”. Mais tous ses efforts de conciliation échouent face aux représentants du Snes.

 

Olivier : Les représentants du Snes peuvent donc faire fi non seulement de la Direction du Lycée mais aussi de l’Ambassade de France ! Peux-tu m’apporter des précisions sur ce moment de l’affaire ?

Patricia : En mai 2008, l’ambassade décide de réagir, alertée de la gravité de la situation par les avocats mais aussi par les courriers de diverses personnalités françaises inquiètes de la situation. Yvette et moi sommes reçues par un haut fonctionnaire de l’Ambassade. Celui-ci se dit choqué par les propos tenus par Z. devant des élèves et émet un jugement sévère. Il promet un communiqué clair dont il adresse les différentes versions aussi bien au Snes qu’à moi. Mais peu à peu, sous la pression du Snes, nous assistons à son progressif désengagement et à l’abandon de ses objectifs premiers qui étaient d’insister sur l’importance de l’enseignement de la Shoah. En juillet, le personnel du Lycée recevra un communiqué tiède, ambigu et non signé, qui ne fera qu’envenimer la situation.

Revenons au courrier des avocats adressé aux signataires de la lettre diffamatoire que B. a publiée. Trois des signataires se sont rendus compte de leur erreur et ont accepté d’écrire un courrier d’excuse qui, à la demande des avocats, devait être affiché sur le même panneau où le texte diffamatoire de B. avait trouvé asile pendant plus de trois semaines. Leur lettre d’excuse a été arrachée systématiquement du tableau par une ou des mains anonymes et nous finîmes par décider qu’il était inutile de lutter. Il faut préciser que les trois personnes qui se sont excusées ne sont pas membres du Snes… Les autres signataires, membres du Snes, exhortés au quotidien par la documentaliste et Vychinski refuseront de s’excuser. Signalons au passage le courage de Vychinski qui ayant griffonné sa signature sur la lettre ouverte de B. n’aura jamais l’honnêteté de le reconnaître et incitera les sept autres signataires à tenir tête.

Année scolaire 2008-2009. Dès la rentrée, la campagne de diffamation s’adresse aux nouveaux professeurs.

 

11 - Livre d'Edith Bruck

Olivier : Quelle a été la réaction de ces nouveaux professeurs auprès de Patricia  — et auprès de toi ? 

Yvette : J’ai été personnellement témoin à de nombreuses reprises de l’attitude de ces nouveaux professeurs à l’égard de Patricia : ils ne la saluent pas et refusent de s’adresser à elle même lorsqu’ils sont collègues dans une même classe. A mon égard, ils ont un comportement standard et sont capables de venir échanger avec moi quelques mots au sujet d’un élève tout en ignorant Patricia assise à côté de moi ! On peut compter sur les doigts de la main ceux qui ont un comportement  normal.

Le nouveau proviseur a d’abord du mal à prendre la mesure de ce qui se passe. Lorsqu’il comprend les enjeux et fait l’expérience des pratiques du Snes, il manifeste fermement sa volonté de ne pas céder face à des coteries hostiles à l’enseignement de la Shoah. En mai 2010, alors qu’il assiste à une conférence sur la Shoah, il se montre particulièrement choqué par les attitudes judéophobes d’un certain nombre d’enseignants et d’élèves.

Une mission d’inspection donne lieu à un rapport très partial qui ne fait que jeter de l’huile sur le feu. On y trouve notamment cette phrase bien ambiguë : ‟Il n’y a pas d’antisémitisme collectif dans ce lycée”.

 

Olivier : Sans insister, comment se manifestèrent ces attitudes antisémites… pardon, judéophobes de ces individus ? Par ailleurs, en quoi ce rapport était-il partial ? 

Yvette : Lors de la conférence, plusieurs professeurs dont l’obligation était d’encadrer les élèves manifestèrent ostensiblement leur désintérêt. Certains d’entre eux n’avaient même pas dit à leurs élèves quel était le sujet de la conférence ! Liberté pédagogique, une fois de plus ? Les élèves livrés à eux-mêmes firent beaucoup de chahut et, dans le meilleur des cas, ils profitèrent de la conférence pour faire autre chose. Quant aux questions finales plus que tendancieuses, le conférencier stupéfait nous confiera à la fin de la conférence que « même à la Courneuve, il n’avait jamais vu ça  ».

L’inspectrice venue enquêter se présente comme  « ouverte à tous »  et elle se voit assaillie de nombreux « témoignages spontanés ». Apparemment, tout le monde a quelque chose à lui dire ! Lorsque je la rencontre, elle manifeste à plusieurs reprises son étonnement voire sa désapprobation parce que des enseignants d’italien ou de philosophie travaillent sur la Shoah. Pour elle, cela concerne exclusivement les professeurs d’histoire… Je ne sais s’il faut parler d’incompétence ou de préjugés dans sa façon de sélectionner et d’évaluer ce qui lui sera rapporté. Son rapport ne nous sera jamais communiqué dans son intégralité. Cette phrase que j’ai citée, « Il n’y a pas d’antisémitisme collectif au Lycée français », semble à la fois répondre à une accusation… qui n’a jamais été formulée tout en reconnaissant à travers la dénégation qu’il existe de l’antisémitisme et qu’elle l’a constaté — sans pour autant prendre la peine de le dénoncer…

Patricia : Un fait qui pourrait sembler anodin est à signaler. Après avoir rédigé son rapport, l’Inspectrice générale a demandé au Crif un rendez-vous avec Richard Prasquier, sachant que ce dernier m’avait apporté son soutien depuis le début de l’affaire. J’ai appris postérieurement qu’au cours de cet entretien, elle s’était permise de l’enjoindre sur un ton comminatoire de me faire savoir que je ne devais pas verser dans le communautarisme… Étrange façon d’interpréter les faits ! On voit bien là l’état d’esprit de cette inspectrice et sa « neutralité ».

 12 - Primo Levi

Primo Levi (1919-1987)

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(6)    …, le 2 avril 2008

Jean-François Forges Monsieur M…

Inspecteur d’Académie

Conseiller culturel adjoint

Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

Je suis actuellement à… pour contribuer au bilan du voyage à Auschwitz de la classe de première littéraire du lycée français.

Il se trouve que je suis concerné depuis plusieurs années par le travail qui se fait au Lycée français de … sur le thème de la Shoah. J’ai eu l’occasion de m’adresser aux élèves du Lycée à plusieurs reprises et même au cours d’une semaine entière de 2005 pour des interventions dans une dizaine de classes. J’ai accompagné le groupe d’élèves, de professeurs et d’adultes … représentant le ministère de l’éducation et de la science, au cours du voyage de février 2008 en Pologne, à Cracovie et à Oswiecim.

Le Lycée français de … est maintenant connu en France et même en Europe comme ayant un rôle majeur dans l’enseignement de la Shoah en … au point que le ministère … de l’Ėducation s’est tourné vers ce lycée lorsqu’il s’est agi d’inscrire, comme en France, l’histoire et la mémoire de la Shoah non seulement au cœur des programmes d’histoire mais aussi des médiations permettant d’aborder les grandes questions morales du monde contemporain.

J’étais au Lycée français de … le 30 janvier pour présenter Patrick Desbois aux élèves et animer la rencontre avec lui.

La venue de Patrick Desbois était un événement très considérable et aucun lycée français n’a eu encore le privilège d’une intervention d’un homme qui a maintenant une réputation internationale, cité par les historiens du monde entier comme aucun français ne l’a été depuis longtemps pour ses recherches sur l’histoire de la Shoah en Ukraine. C’est d’ailleurs comme tel qu’il a été accueilli au colloque Nuremberg 1933-1945 … organisé fin janvier 2008 par le ministère de la Justice au Sénat et qu’il a été reçu également à l’ambassade de France à … . Au-delà de la question de l’histoire, la conférence de Patrick Desbois au lycée français visait à poser le problème philosophique très complexe de la connaissance de la vérité à partir de témoignages c’est-à-dire d’une parole humaine. Enfin, l’exposé de Patrick Desbois était ouvert à une réflexion fondamentale sur les crimes de masse commis depuis la Shoah et dont les élèves ont été ou sont les contemporains. Ainsi était proposée aux élèves une rencontre qui ne pourra sans doute pas se renouveler avec un homme exceptionnel et avec un sujet qui pouvait être pour eux un événement dans leur vie lycéenne sinon dans leur adolescence.

Je veux ajouter aussi que cette question des fosses communes découvertes en Ukraine me semble être, en …, une manière d’évoquer indirectement des aspects de la mémoire difficile de la guerre civile, toute proportion gardée. J’ai eu l’occasion de constater qu’au Japon, un pays lui aussi non concerné directement par la Shoah, l’intérêt porté pourtant à celle-ci était une manière détournée d’évoquer le non-dit de l’attitude de l’armée impériale en Corée ou en Chine au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

A tous points de vue, l’intervention de Patrick Desbois était un événement considérable.

C’est un fait que les élèves d’une classe de première n’ont pas été libérés par leur professeur pour assister à cette conférence et en ont par conséquent été privés. C’est bien évidemment le droit pédagogique d’un enseignant de donner la primauté à son cours plutôt qu’à une conférence fut-elle exceptionnelle, fut-elle sur un sujet central dans l’histoire et dans la pensée contemporaine. Dans la délicate situation présente, les raisons de cette décision pourraient cependant être expliquées car elles ne nous sont actuellement connues que par ce qu’en ont dit les élèves concernés.

En effet,  il y a aussi d’autres événements survenus ce 30 janvier. Alors que le groupe accompagnant Patrick Desbois se dirigeait vers la salle de théâtre du lycée, des élèves de cette classe ont abordé Patricia … qui était pourtant fort occupée comme organisatrice principale de la rencontre. J’ai vu ces élèves qui semblaient agités mais je n’ai su qu’après qu’ils se plaignaient de ne pas pouvoir aller à la conférence et exprimaient leur indignation en raison du motif qu’ils disaient avoir été invoqués par leur professeur pour justifier la non-participation de leur classe à cette conférence.

En tant qu’historien, je constate que la suite n’est plus du domaine des faits mais des témoignages et des interprétations. Il faut le souligner parce que certaines personnes ont montré par la suite une assurance totalement injustifiée sur la vérité du déroulement des faits. Non pas qu’on ne puisse pas approcher de la vérité par des témoignages immédiats, convergents et indépendants. Mais il faudrait un travail d’investigation rigoureux.

En effet, ce qu’a dit l’enseignante aux élèves pour justifier sa décision de faire son cours plutôt que de laisser les élèves aller à la conférence pourrait nous être connu, avec les réserves qu’impose tout témoignage, par le témoignage de l’enseignante elle-même mais aussi par le témoignage des élèves qui ne peut être écarté a priori. De toute manière, aucun témoignage n’a, à ma connaissance, été rendu public. Il faudrait établir également ce qu’il en est des conditions et de la teneur d’une rencontre qui aurait été provoquée après l’incident par l’enseignante entre les délégués des élèves et une élève de la classe qui se trouve par ailleurs être la seule élève juive de cette classe.

Ce qui s’est réellement passé entre Patricia … et sa collègue est également inconnu. Je témoigne et témoignerai si nécessaire que j’étais dans le groupe se dirigeant vers la salle de théâtre du Lycée français de … le 30 janvier 2008 en début d’après-midi, avant la conférence de Patrick Desbois. Je me trouvais derrière Patricia … et je l’ai dépassée, alors qu’elle parlait avec une personne que j’ai vue et que je ne connaissais pas. Je témoigne n’avoir rien entendu de la discussion entre Patricia … et cette autre personne ni même avoir remarqué que cette discussion pouvait poser le moindre problème, alors que je venais de dépasser les personnes en question qui se trouvaient sans doute à deux ou trois mètres derrière moi. Enfin, au terme de la conférence, s’est tenue une réunion autour de Patrick Desbois et d’un éditeur … intéressé par son livre. A aucun moment, en parlant d’une manière générale du bilan de la conférence, il n’a été question du moindre incident qui serait survenu ce jour là.

Une première remarque s’impose, il s’agissait d’une conversation tout à fait privée. Le seul témoin a été Marcello Pezzetti, un historien italien invité au colloque du Sénat … qui s’apprêtait à rentrer à Rome et qui est totalement étranger au Lycée français de … . La nécessité de considérer les témoignages avec une prudence qui a singulièrement manqué à l’auteur de la pétition affichée salle des professeurs est illustrée par le fait que ce texte indiquait que la conversation s’est tenue en présence du conférencier. Or celui-ci est un prêtre catholique ce jour-là vêtu en clergyman avec le col romain ce qui n’est certes pas le cas de Monsieur Pezzetti.

Le reste n’est que spéculation car même les protagonistes sont sans doute incapables de redire les paroles précises échangées. Il semble certain que Patricia … a porté un jugement sur des propos tels que les élèves venaient de lui rapporter. Patricia … n’a pas cru nécessaire d’alerter les autorités du Lycée et de mettre l’affaire sur la place publique et c’est en face qu’elle a dit à sa collègue ce qu’elle pensait devoir lui dire. La lettre ouverte affichée publiquement par une personne qui n’a pas la qualité de témoin, en salle des professeurs, au regard de toute la communauté éducative du Lycée français, accusait Patricia … d’avoir dit à sa collègue qu’elle était « antisémite ». Quand bien même le mot antisémite aurait été prononcé au cours de cette conversation privée, nous ignorons s’il qualifiait la personne ou seulement des propos par ailleurs inconnus ou même seulement encore l’interprétation qu’on pourrait faire des propos inconnus en question. Dans une telle situation, je ne vois pas le sens des excuses exigées publiquement et à cor et à cri par certains collègues de Patricia … .

En bref, si nous savons comme un fait que des propos ont été tenus aux élèves pour justifier qu’ils n’iraient pas à la conférence, nous ne savons pas exactement la teneur de ces propos. Si nous savons comme un fait qu’il y a eu un échange de paroles entre Patricia … et sa collègue, nous ne savons pas davantage les termes employés lors de cet échange.

Mais nous revenons ensuite dans le domaine des faits et des documents avec la pétition publique contre Patricia … et les différentes lettres écrites par des professeurs du Lycée et par des représentants syndicaux, la plupart tout à fait convaincus de savoir la vérité sur les faits en question.

Patricia … est connue en France en particulier auprès du Mémorial de la Shoah, de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, de la Maison des enfants d’Izieu, en Italie en particulier auprès du Mémorial de Fossoli, de la Villa Emma à Nonantola, de l’Institut historique de Modène ou en Allemagne auprès du Mémorial de la Villa Wannsee comme la cheville ouvrière du travail qui s’est fait en … depuis de nombreuses années sur la mémoire et l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. J’ai moi-même participé avec mes élèves français à des voyages organisés par Patricia … au camp de Rivesaltes, à Izieu, à Nonantola en Italie. Le travail fait à Rivesaltes a été véritablement pionnier pour montrer comment la mémoire espagnole rejoignait la mémoire tzigane et juive dans les camps d’internement du midi de la France. Il a conduit naturellement les élèves … à constater ce point commun de leur histoire avec l’histoire européenne. Un aspect de l’histoire des Espagnols, à Rivesaltes ou à Mauthausen, s’est écrit dans l’histoire des camps d’internement français et des camps de concentration allemands. Il faut souligner que c’est le travail de Patricia … qui a permis au Lycée français d’être regardé par le gouvernement … comme un lycée pilote dans le travail pédagogique sur la Shoah. Enfin on peut montrer facilement que ce travail a été pris en compte par le gouvernement … d’une part dans l’introduction de la Shoah dans les programmes scolaires en histoire et en instruction civique et morale (j’ai moi-même participé à une réunion au ministère de l’éducation sur ce thème) et d’autre part dans la reconnaissance de la mémoire des Judéo-espagnols, reconnaissance qui s’est manifestée jusqu’à des rencontres avec le Roi lui-même.

Or je vois dans les événements qui font l’objet de la présente lettre, outre les accusations sans fondements avérés portées publiquement contre Patricia …, deux conséquences très préoccupantes dont on peut se demander d’ailleurs si elles ne sont pas précisément souhaitées par les personnes qui ont donné à cette affaire une dimension disproportionnée en amplifiant et en distordant les faits depuis deux mois.

Premièrement, le travail exemplaire sur la Shoah est d’ores et déjà compromis au Lycée français. Le travail pédagogique autour du voyage à Auschwitz de la classe de Première littéraire devait se terminer par une rencontre, au lycée lui-même, avec deux anciens détenus du camp, Ida Grinspan et Henri Borlant, qui sont d’ailleurs déjà venus au Lycée. J’ai assisté moi-même à une des interventions d’Ida Grinspan et je peux témoigner qu’elle fut pour les élèves une rencontre aussi inoubliable que la rencontre avec Patrick Desbois. Or ce témoignage ne pourra pas avoir lieu. Ėtant donné le climat qui semble régner au lycée français je peux comprendre les raisons qui ont imposé cette annulation par égard pour ces invités. Mais je déplore profondément cette annulation en tant que partenaire du voyage à Auschwitz.

Deuxièmement, c’est le travail en commun avec le ministère … et même un peu du rayonnement intellectuel de la France en … qui se trouverait compromis si le Lycée français perdait sa réputation de pédagogie exemplaire pour l’enseignement de la Shoah comme en témoigne la présence de représentants du ministère … de l’éducation accompagnant le voyage des élèves du Lycée français à Auschwitz.

Je ne sais pas les raisons des attaques publiques et non fondées sur des faits dont Patricia … a été victime. Je ne sais pas quelles raisons ont poussé un syndicat chargé en principe de défendre les enseignants et leurs conditions de travail, à prendre un parti totalement unilatéral dans cette affaire. J’en constate les dégâts avec amertume. J’espère très ardemment que cette affaire n’aura pas de répercussions plus dommageables encore aux points de vue que j’ai évoqués et j’espère que les responsables du Lycée et de l’ambassade de France sauront calmer les esprits et empêcher que cette affaire qui paraît montée de toutes pièces ne prenne des dimensions encore plus grandes, encore plus disproportionnées, encore plus regrettables pour les personnes et la réputation du Lycée français de ….

Je vous prie d’agréer, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, mes salutations distinguées.

Jean-François Forges

Conseiller Scientifique de la Maison des enfants d’Izieu

Membre de la Commission pédagogie et formation du Mémorial de la Shoah

 

(7)    Lyon, le 2 octobre 2008

Jean-François Forges

Monsieur Aschieri Secrétaire général du SNES

Objet : à propos d’un événement survenu au Lycée français de …

Monsieur le Secrétaire général,

Je m’adresse à vous pour tenter de comprendre ce qui est arrivé au Lycée français de … , après la conférence de Patrick Desbois le 31 janvier 2008.

Je vous adresse ci-joint :

1- Le courrier que j’ai été amené à écrire à Monsieur le Conseiller culturel adjoint qui a décidé de donner une sanction morale à Patricia … après avoir reçu la visite du Secrétaire du Snes … qui n’avait avisé personne officiellement de sa démarche.

2- Le communiqué que l’ambassade a adressé à l’ensemble des professeurs du Lycée … , le 18 juillet 2008.

Cependant, la suite de cette affaire me conduit à apporter les précisions suivantes à mon texte envoyé  à Monsieur le Conseiller culturel adjoint :

C’est une surprise pour moi de découvrir qu’un syndicat d’enseignants est à ce point partie prenante dans cette affaire et qu’il a déployé une grande activité à ce propos. Loin de s’efforcer d’avoir une position équilibrée qui lui aurait donné un rôle légitime d’arbitrage et d’apaisement sur un conflit entre des salariés, ce syndicat a pris position de manière unilatérale pour un des protagonistes sans JAMAIS la moindre demande d’explication, le moindre entretien, la moindre discussion avec l’autre(1).

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(1) Ce n’est cependant pas le sentiment du délégué syndical qui a écrit dans un texte affiché salle des professeurs : « Il ne nous revient et ne nous revenait donc pas de trancher de manière personnelle ou de réagir irrationnellement en faveur de l’un/e ou de l’autre de nos collègues. Ceci aurait été une faute et nous ne l’avons pas commise »

Que sait-on au juste aujourd’hui :

  • Des avocats ont clairement établi que la conversation entre les deux enseignantes est une conversation strictement privée.
  • A aucun moment Patricia n’a effectué une quelconque démarche auprès de l’administration pour se plaindre des propos que sa collègue aurait tenus en cours.
  • Il existe un témoignage collectif écrit par des élèves sur ce qui a été dit en cours et sur la convocation de l’élève juive de la classe en présence des délégués
  • Il existe une lettre sur l’événement, écrite par la mère d’une élève (j’ignorais ces deux derniers points lors de la rédaction de mon premier texte).

Il est donc très remarquable que dans le texte affiché en salle des professeurs par le Snes et dans les divers courriers écrits sur cette affaire par des collègues, JAMAIS le récit ne commence par son commencement. Il manque toujours la première partie décisive pour éclairer la suite. Cette lacune jette la suspicion sur la bonne foi de bien des acteurs de cette affaire et peut laisser entendre qu’il y a des enjeux qui me sont inconnus mais qui expliqueraient l’attitude des uns et des autres. Il est bien certain qu’il a été dit quelque chose qui a provoqué la réaction des élèves (démarche auprès de l’administration du Lycée et émotion dont j’ai été le témoin sans encore en comprendre les raisons).

Il serait utile pour éclairer tous les éléments de cette affaire de savoir les raisons pour lesquelles le professeur concerné n’a pas autorisé ses élèves à assister à la conférence. On peut penser, comme moi-même, que ces raisons n’intéressent que l’enseignant, ses élèves et la relation pédagogique établie entre eux. Mais du fait de certains de ses collègues et d’un syndicat, les faits, privés à l’origine, ont été mis sur la place publique.

En bref, la connaissance du début de l’histoire nous permettrait de juger si les réactions et l’attitude des uns et des autres, élèves, collègues, administration du Lycée, syndicat pourraient être ou non justifiées.

Il faudrait aussi comprendre les raisons de l’attitude d’une section syndicale. Pourquoi un syndicat s’est-il investi à ce point dans une affaire privée entre professeurs? J’ai une quarantaine d’années d’expérience de salle des professeurs. J’ai vu des collègues s’agresser publiquement bien plus durement que dans l’affaire présente mais je n’ai jamais vu un syndicat estimant qu’un conflit entre des salariés relevait de sa compétence. En particulier, je n’ai jamais imaginé que les critiques les plus vives exprimées même publiquement entre collègues qui n’avaient aucun pouvoir les uns sur les autres pouvaient porter atteinte à la liberté pédagogique. Elles entraient légitimement dans le débat entre des personnes libres. On sait d’ailleurs que les collègues-et-néanmoins-amis raffolent de se critiquer. Mais peu le font en face.

Pourquoi ce syndicat a-t-il été aussi unilatéral et s’est-il contenté d’un récit amputé de ses parties essentielles, en particulier la première? Ce syndicat a-t-il eu connaissance du témoignage des élèves et qu’en pense-t-il ? Pourquoi n’a-t-il pas organisé une confrontation ou au moins pourquoi n’a-t-il pas reçu séparément les protagonistes pour d’abord établir les faits puis, éventuellement tenter de trouver une solution ? S’agit-il de la défense corporatiste de certaines castes de professeurs où un syndicat vole au secours de la personne qui est, en l’occurrence, la plus forte en terme d’alliés, de diplôme et de salaire? Pourtant, il ne semble pas que le professeur en question ait aucun intérêt à la divulgation publique du témoignage de ses élèves sur ce qu’elle leur aurait dit à propos d’une conférence sur la Shoah. Si je vois qui ce syndicat a attaqué, je ne vois pas véritablement en faveur de qui il a agi.

Certains ont pensé à des conflits personnels. S’agit-il alors d’un ressentiment particulier contre une personne à abattre, une enseignante, ses compétences et ses pratiques pédagogiques?

Le sujet de l’enseignement de la Shoah n’est-il qu’une occasion exploitée par hasard ou est-il l’explication essentielle de cette affaire?

Je cherche ainsi les raisons de l’hostilité qui existe manifestement contre cette enseignante. On pourrait penser que l’incident en question n’est qu’un prétexte à un harcèlement qui a dû être assez dur pour que cette enseignante, en désespoir de cause, cherche une défense sur un plan juridique extérieur. Elle aurait agressé une de ses collègues comme une folle, sans raison (je rappelle qu’aucune des personnes – dont moi-même – se trouvant à côté des deux professeurs en question ne s’est rendu compte de l’incident) ; elle aurait fait appel à des avocats, malgré le coût en temps et en argent, sans plus de raisons de demander justice. Ce n’est donc pas seulement le début qui manque au récit qui a été fait de l’affaire sur des affiches et jusqu’à l’ambassade de France, mais des pans entiers qui cachent des raisons mystérieuses.

Il faudrait aussi, si on en était à l’heure des bilans, mesurer les dégâts, auxquels l’ambassade de France doit être particulièrement sensible, subis par l’image des Français au regard des … du ministère de l’Éducation et de la Science qui avaient choisi le Lycée français comme lycée modèle pour l’introduction du travail sur la Shoah et sur les Droits de l’Homme dans le système éducatif … .

Les questions se sont donc multipliées depuis mon premier texte. Elles sont si éloignées des problèmes fondamentaux qui se posent aux enseignants sur leur métier sur le plan scientifique et pédagogique (par exemple comment parler des crimes de génocides aux élèves) qu’on ne peut qu’être perplexe devant une telle perte de temps et une telle régression.

L’ampleur prise par cette affaire dans les milieux qui, en France et en …, se consacrent au travail historique et pédagogique sur la Shoah ainsi que l’extrême sensibilité qui se manifeste constamment sur cette question m’ont conduit à écrire ce texte pour attirer l’attention de chacun des protagonistes et en particulier du syndicat en question, pendant qu’il en est encore temps, sur une situation où personne ne peut trouver le moindre intérêt, ni, évidemment, la collègue que le syndicat a attaquée ni, et paradoxalement encore moins, la collègue qu’il prétend défendre.

Etant donné qu’après l’intervention des avocats la section de … n’a plus rien publié en salle des professeurs et n’a jamais répondu à leur demande d’explication, c’est à mon tour de vous demander si vous seriez en mesure de me donner des éclaircissements qui pourraient venir à votre connaissance sur une affaire qui est maintenant connue par de nombreuses personnalités. Je me permets, en dernier recours, de m’adresser à vous, Monsieur le Secrétaire général, pour vous demander de bien vouloir intervenir dans le sens de l’apaisement et de la clarification nécessaires dans l’intérêt de chacun des protagonistes.

Jean-François Forges

Conseiller Scientifique de la Maison des enfants d’Izieu

Membre de la Commission pédagogie et formation du Mémorial de la Shoah

 

 

(8)  Lyon, le 20 novembre 2008

Jean-François Forges

Monsieur Aschieri

Secrétaire général du SNES

Monsieur le Secrétaire général,

Le 3 octobre, je vous ai adressé une lettre décrivant précisément quel était, à mon sens, la situation au Lycée français de … à propos d’un incident autour de l’enseignement de la Shoah et dont il est apparu que certains représentants et certains adhérents très actifs du Snes étaient des acteurs importants.

Je regrette que vous n’ayez pas  jugé utile de me répondre car je souhaitais savoir la position officielle du Snes sur cette affaire. Je ne sais pas s’il est encore temps maintenant d’agir auprès des délégués du Snes de ce lycée pour qu’ils fassent ce qui est en leur pouvoir dans le sens de l’apaisement, auquel tiennent beaucoup les services culturels ainsi que le nouveau proviseur du Lycée français, ce qui n’est toujours pas le cas. Je vous écris cette dernière lettre car je pense que vous êtes le seul à avoir l’autorité nécessaire pour imposer, s’il n’est pas trop tard, la conciliation indispensable pour éviter le développement des tensions, et au pire la publicité dans la presse et les implications judiciaires qui ne pourraient se faire qu’au détriment des collègues concernés.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire général, mes salutations distinguées.

Jean-François Forges

Conseiller Scientifique de la Maison des enfants d’Izieu

Membre de la Commission pédagogie et formation du Mémorial de la Shoah

 

(9)   …, le 8 avril 2013

Jean-François Forges

Monsieur S.

Lycée Français de …

Monsieur,

Depuis une vingtaine d’années, je m’intéresse à l’enseignement de la Shoah. À l’occasion de la publication des derniers programmes d’histoire et des manuels d’histoire de première et de troisième, j’ai décidé de faire le bilan de cet enseignement en m’appuyant sur son évolution dans quelques lycées que je connais dont le Lycée français de … .

La question de l’enseignement de la mémoire de la Shoah est évoquée dans le communiqué de l’ambassade de France ci-joint à propos d’une affaire qu’il n’est donc pas possible d’éluder dans cette recherche.

J’ai le projet de faire un récit factuel, sociologique et psychologique de ce qui s’est passé au Lycée français de … et des démarches entreprises par le Snes à l’encontre d’une enseignante. J’avais écrit dès 2008 à certaines personnes qui me paraissaient avoir le pouvoir de faire cesser ce qui s’est révélé être le début d’un véritable harcèlement moral collectif qui s’est développé dans les années suivantes.

Or je n’ai jamais obtenu de réponses et je m’aperçois que l’ensemble des documents dont je dispose sont tout à fait univoques dans la mesure où jamais ceux qui ont répandu des rumeurs et organisé des attaques ne se sont exprimés clairement et franchement.

Vous trouverez ci-joint les doubles des courriers que j’ai envoyés à Monsieur Aschieri et à Monsieur M. et qui posent quelques questions. Je vous les adresse dans la mesure où vous êtes un personnage qui apparaît au cours de cette histoire. Je souhaiterais avoir votre opinion.

Voici quelques questions.

Si l’on prend l’exemple d’une lettre ci-jointe de Monsieur M. adressée au proviseur du Lycée, Monsieur F., on apprend l’existence d’une démarche explicite du Snes auprès des autorités académiques à l’encontre d’un professeur.

Les délégués du Snes dénoncent ce qui pourrait être au départ une querelle entre deux professeurs. Mais il s’agit d’une scène si discrète que les personnes qui se tenaient à proximité n’en ont rien perçu, selon leurs témoignages. La scène a donc eu lieu sans témoin et personne ne sait ce que les deux professeurs se sont dit. Les délégués du Snes s’appuient sur les dires d’un des deux professeurs. L’autre professeur n’a jamais été sollicité pour donner sa version des événements. L’enquête des délégués du Snes a donc été exclusivement à charge et le Snes a pris position a priori pour l’un des protagonistes contre l’autre en assurant qu’il défendait « l’exercice de la liberté pédagogique » des enseignants.

Pour quelles raisons ? Quel était l’intérêt du Snes de porter à la connaissance publique une scène qui, sans lui, serait restée strictement confidentielle ? Sur quoi repose la conviction du Snes à propos des termes qui auraient été employés lors de cette querelle ? Est-ce l’usage du Snes d’intervenir à propos des querelles entre enseignants et de juger qui a tort, qui a raison ? Est-ce l’usage du Snes de dénoncer des collègues auprès de l’administration de l’Éducation nationale ? Qu’est ce qui a permis au Snes d’être aussi catégorique dans sa prise de position pour un professeur et contre un autre ?

L’origine de la querelle se trouve dans des propos prononcés par un des professeurs devant ses élèves à propos d’une activité proposée par l’autre professeur. Mais Monsieur M. exprime son sentiment qu’il n’existe pas d’éléments permettant d’établir l’existence même des propos dont il est question ce qui entraîne la dispense de chercher à en établir la teneur.

Or ces propos ont été tenus devant une classe tout entière et ont suscité des réactions de certains élèves et de certains parents. Il n’aurait pas dû être difficile d’en établir et l’existence et la teneur (d’autant plus qu’on sait maintenant qu’il existe des témoignages écrits).

Enfin, Monsieur M. rappelle, en effet utilement, « que nul ne peut se substituer à l’autorité du juge ou du chef d’établissement et ce pour éviter en particulier l’application de jugements hâtifs portés sur des faits non vérifiés ».

N’était-ce pas à Monsieur M. de vérifier les faits ? N’y a-t-il pas là une condamnation du Snes qui n’a jamais encore apporté de preuves de ses accusations et n’a jamais répondu aux demandes en ce sens ?

Je vous serais donc obligé de me faire connaître les témoignages et éventuellement les faits sur lesquels un syndicat de professeurs s’est appuyé pour porter ses accusations contre un professeur. Ces éléments me seraient essentiels dans l’établissement du récit des faits avec la plus grande objectivité possible.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Jean-François Forges

Conseiller Scientifique de la Maison des enfants d’Izieu

Membre de la Commission pédagogie et formation du Mémorial de la Shoah

P.J. : 2 lettres adressées par moi-même à Monsieur Aschieri, secrétaire général du Snes

1 lettre adressée à Monsieur M, inspecteur d’académie

Pour mémoire : Le communiqué de l’ambassade de France en …

La lettre de Monsieur M. adressée au proviseur du lycée français dont un double a été télécopié par lui-même aux personnes concernées.

(10)  Note 10

 

(à suivre)

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