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« Je me souviens » au féminin

 

Je me souviens que Sophie Scholl de Die Weiße Rose fut guillotinée et que son bourreau s’appelait Johann Reichhart.

Je me souviens que Clara Petacci fut exécutée puis pendue par les pieds dans une station à essence Esso. C’était le 28 avril 1945, Piazzale Loreto, à Milano.

 

 Clara PetacciClara (Claretta) Petacci (1912-1945)

 

Je me souviens de Hanna Reitsch, l’une des plus étonnantes femmes de l’histoire de l’aviation :

https://www.youtube.com/watch?v=4vxxHyl46co

https://www.youtube.com/watch?v=cvLq3oWpCss

https://www.youtube.com/watch?v=cvLq3oWpCss

Je me souviens que l’une de mes grands-tantes se prit de passion pour Madame Récamier et une autre pour Liane de Pougy. Concernant cette dernière parente, ma mère me laissa entendre avec un air dégagé que ses mœurs y étaient probablement pour quelque chose… A cette occasion, j’appris que Sappho était née à Lesbos et que…

Je me souviens de ces deux parentes qui périrent brûlées vives dans l’incendie du Bazar de la Charité, rue Jean Goujon, le 4 mai 1897. Ci-joint, la longue liste des victimes de cet incendie :

http://bazardelacharite.blog.free.fr/index.php?pages/Liste-des-victimes

Je me souviens que ma mère fit une partie de sa scolarité au Cour Désir qu’immortalisa — si je puis dire — Simone de Beauvoir dans ‟Mémoires d’une jeune fille rangée”.

Je me souviens de Madame R., mon professeur de français en classe de seconde, une belle femme mûre qui ne cessait de croiser et de décroiser ses jambes sous la table et de s’amuser, l’air de rien, du trouble de certains élèves. Elle me fit aimer plus encore la lecture, les écrits de femmes de particulier. Ainsi ai-je lu Madame de Sévigné et Colette avec passion, George Sand avec intérêt, Elsa Triolet avec un ennui que je m’efforçai de combattre.

Je me souviens que Marie Curie est née Marie Skłodowska. Je me souviens que le nom polonium (le premier élément découvert par Pierre et Marie Curie en 1898, dans leurs recherches sur la radioactivité de la pechblende) est un hommage aux origines polonaises de ce prix Nobel.

 

Pierre et Marie CurieMarie Curie-Skłodowska (1867-1934) en compagnie de son mari, Pierre Curie (1859-1906) 

 

Je me souviens du sein d’Agnès Sorel (voir la peinture de Jean Fouquet), du nez d’Ana Akhmatova, de la coupe de cheveux de Katherine Mansfield, des yeux verts de Françoise Fabian…

Je me souviens de ma surprise lorsque j’appris que Flora Tristan était la grand-mère (maternelle) de Gauguin.

Je me souviens que la duchesse d’Uzès, dont la généalogie est prestigieuse entre toutes, compte parmi ses ancêtres une arrière-grand-mère roturière, ‟la Veuve Clicquot”.

Je me souviens de Charlotte Corday et de Fanny Kaplan.

Je me souviens d’Amelia Earhart, surnommée ‟Miss Lindy” pour sa ressemblance avec Charles Lindbergh.

Je me souviens d’Elisabeth von Wittelsbach ou, plus exactement, je me souviens de Romy Schneider dans le rôle d’Elisabeth von Wittelsbach.

 

Romy Schneider

Romy Schneider dans le rôle d’Elisabeth von Wittelsbach (Sissi), dans ‟Ludwig”  de Luchino Visconti (1972).

 

Je me souviens d’Inès de Castro, l’une des nombreuses assassinées pour raison d’État.

Je me souviens de Louise Labé, ‟la Belle Cordière”. Je me souviens d’avoir lu ses Élégies et ses Sonnets au cours d’un été en Touraine, à quelques pas de la maison de Bergson — La Gaudinière. L’herbe était haute, éclaboussée de fleurs et de papillons, les insectes bourdonnaient. Cette lecture reste inséparable de cet été tourangeau.

Je me souviens de Leni Riefenstahl. Je me souviens que l’auteur d’‟Olympia” et de ‟Triumph des Willens” photographia les Noubas de Cau, au Soudan, puis, dans les dernières années de sa vie, les fonds sous-marins aux Maldives. Étrange femme.

Je me souviens de sainte Blandine. Je me souviens d’avoir étudié la vie de cette sainte, martyrisée à Lyon : mon premier amour s’appelait Blandine. A ce propos, je me souviens d’elle, de baignades dans des baies et des anses de Bretagne. La blonde ondine Blandine…

Je me souviens que ma mère aimait l’art de l’affiche. Je la revois me commenter des affiches de Savignac, de Loupot, de Cappiello, de Cassandre, de Gruau, de Villemot, de…

 

 Ma mère à 20 ansMa mère (1932-1990). Elle a vingt ans. 

 

Je me souviens d’avoir lu avec passion, à l’île d’Yeu, des livres aux pages jaunies sur la duchesse de Berry — nom de guerre, ‟Petit Pierre”. Je me pris de passion pour cette magnifique aventurière.

Je me souviens d’avoir caressé, au Louvre, à l’insu des gardiens, le beau visage d’Aspasie de Milet. A ce propos, je me souviens d’être littéralement tombé amoureux de sculptures au point de me croire atteint de graves troubles mentaux.

Je me souviens des Rochambelles de la Division Leclerc et d’une parente plus particulièrement :

http://www.ina.fr/playlist-audio-video/306871

Je me souviens de la beauté d’Olesya Sudzilovskaya et de la beauté du russe sur ses lèvres :

https://www.youtube.com/watch?v=w1Cs1U0PQPU

Dans ma mémoire, trois noms de femmes restent associés à Baudelaire (souvenirs d’une année universitaire) : Jeanne Duval, Madame Sabatier (‟la Présidente”) et Marie Dorval. A ce propos, je me souviens de l’un des plus beaux poèmes de la langue française, ‟A une passante”.

Angela Winkler passe souvent dans ma mémoire sans que je le veuille, des séquences très précises, insistantes, pourquoi ? Des scènes de ‟L’honneur perdu de Katharina Blum” et du ‟Tambour” de Volker Schlöndorff, surtout. Pourquoi cette insistance?

Je me souviens de Béatrice d’Aragon, je m’en souviens par le buste qu’en fit Francesco Laurana.

Je me souviens de Madame Roland, de son apostrophe à l’adresse d’une monumentale statue de la Liberté érigée à côté de l’échafaud où elle se tenait : ‟Liberté, que de crimes on commet en ton nom !”

Je me souviens d’Erzsébet Báthory, la Comtesse sanglante. De fait, je ne puis entendre prononcer ce nom sans penser à Georges Bataille et à une lecture effrayante, ‟Les Larmes d’Éros”, une lecture faite dans les Alpes, devant des neiges pures. Je ne puis penser à Georges Bataille sans penser à la pureté de ces neiges.

Je me souviens de Paula Modersohn-Becker, un nom qui reste associé à une belle journée d’automne à Worpswede et à l’amie allemande, l’amie hambourgeoise, Corina.

Je me souviens qu’Olympias, reine de Macédoine, avait la conviction d’avoir mis au monde un dieu ; et de fait…

 

 Angelina JolieAngelina Jolie en Olympias, dans ‟Alexander” d’Oliver Stone (2004). 

 

Je me souviens de Germaine Richier et de Jeanne Tripier, de Séraphine de Senlis et de Louise Bourgeois.

Je me souviens de certains slogans et invectives de La Pasionaria.

Je me souviens de Ruth Handler et de la poupée Barbie :

https://www.youtube.com/watch?v=PssXbDX1fhQ

Je me souviens de Mary Shelley, la mère de Frankenstein, le monstre né en Suisse, sur les bords du lac Léman.

Je me souviens de la comtesse de Ségur, née Rostopchine. Je m’en souviens pour avoir lu toute son œuvre, et avec passion, ce qui amusait les garçons de mon âge. Pensez-donc, j’étais dans la Bibliothèque rose ! Je ne me privais pas pour autant de la Bibliothèque verte et passais beaucoup de temps chez Jules Verne. A ce propos, je me souviens que Louise Michel lui a fourni le thème de ‟Vingt mille lieues sous les mers”.

Je me souviens d’avoir lu une biographie d’Emma Goldman, un été, à Comillas, en Cantabria. De grands souffles frais et iodés balayaient l’air. Ces souffles marins demeurent inséparables de cette lecture.

Je me souviens que Louise Michel était surnommée la ‟Vierge rouge”, Madame Tallien ‟Notre-Dame de Thermidor”, Simone de Beauvoir ‟le Castor”, etc.

Je me souviens de Christine Garnier et de son livre, ‟Vacances avec Salazar”. A ce propos, je me suis souvent demandé en lisant ces pages pudiques si la belle Christine Garnier, bourgeoise et aventurière, n’avait pas été la maîtresse de cet homme austère.

Je me souviens de Magda Goebbels, de son histoire telle que la rapporte Anja Klabunde, une histoire qui m’a donné le vertige, un vertige de désespoir, comme si j’avais quitté tout champ de pesanteur et me retrouvais condamné à errer éternellement dans un espace obscur et illimité.

Je me souviens d’Helena Rubinstein, l’Impératrice de la beauté comme la surnomma Jean Cocteau.

 

Helena RubinsteinHelena Rubinstein (1870-1965)

 

Olivier Ypsilantis

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