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Albert Le Lay, «El Rey de Canfranc».

 

Albert Le LayAlbert Le Lay (Brest, 1899 – Saint-Jean-de-Luz, 1988), inspecteur des douanes.

 

En lisant la presse, un article m’a sauté aux yeux en page 39 du quotidien ‟El Mundo” du lundi 14 octobre 2013 : ‟La memoria del héroe discreto” sous-titré ‟«El Rey de Canfranc » reconstruye la historia de Albert Le Lay, el hombre que desde su puesto en la aduana ayudó a huir a cientos de judíos de la Francia ocupada”. Je connais bien la gare de Canfranc, un ensemble énorme à environ 1 2000 mètres d’altitude au pied des Pyrénées, côté espagnol dans la province d’Aragon, ce qui lui a valu d’être surnommé ‟Le Titanic des montagnes”. Cette gare ne déparerait pas dans une capitale, Madrid ou Paris, avec ses deux cent quarante mètres de longueur (une dimension comparable à celle de Saint Lazare), ses vingt mille mètres carrés de quais, ses trois cent soixante-cinq fenêtres et j’en passe.

Cette gare monumentale fut inaugurée en juillet 1928 par le président de la République Gaston Doumergue et le roi d’Espagne Alfonso XIII. Cette gare et le chemin de fer transfrontalier attenant ont nécessité des travaux titanesques d’ingénierie afin de maîtriser avalanches et glissements de terrain. En dépit de ces travaux, la gare de Canfranc n’a jamais vu passer plus d’une cinquantaine de passagers par jour, avec un fret limité ; côté français, le trafic fut supprimé en 1970 suite à un déraillement qui entraîna la destruction du pont de l’Estanguet enjambant le Gave d’Aspe.

 

Gare de CanfrancLa Gare Internationale de Canfranc, vue générale.

 

Je me suis rendu plusieurs fois dans cette immense gare et sur ses quais ; à chaque fois Ellis Island s’est imposée à moi. Ces deux lieux sont des condensés de mémoires. La mémoire de Canfranc, c’est aussi l’or des nazis. Plus de quatre-vingts tonnes d’or (sans parler d’autres trafics dont celui d’œuvres d’art) auraient transité par cette gare d’après des documents retrouvés sur place par un simple curieux, un chauffeur d’autocar nommé Jonathan Diaz. La mémoire de cette gare endormie est d’une singulière richesse ; par Canfranc passèrent des trains de marchandise en provenance d’Espagne et du Portugal, direction l’Allemagne, avec notamment du minerai de fer, du mercure, du zinc et le précieux tungstène (ou wolfram) mais aussi des produits alimentaires, des filtres de masques à gaz fabriqués à Segovia, etc. Et Albert Le Lay ne manquait jamais le passage d’un train car il ménageait aux réfugiés des cachettes dans les convois après les avoir nourris au restaurant de la gare.

Par l’article du lundi 14 octobre 2013, j’apprends que José Antonio Blanco et Manuel Priede González ont co-réalisé un documentaire intitulé ‟El Rey de Canfranc” (durée 1 h 18 mn) qui rend hommage à Albert Le Lay, chef du poste de douane de la gare internationale de Canfrac pendant la Seconde Guerre mondiale. Ci-joint, le trailer de ‟El Rey de Canfranc”, avec des témoignages en français et en espagnol (durée environ 3 mn 30) :

https://www.youtube.com/watch?v=wsGmjuo7Ql0

Les réalisateurs de ce documentaire ont mené une longue enquête pleine de surprises qui les a notamment conduits à rencontrer une survivante juive qui témoigne à la première personne. Le nom de cette femme figure dans un registre tenu par Albert Le Lay dans lequel il consignait les noms de ceux et de celles qui laissaient leur argent français avant de passer la frontière. Albert Le Lay utilisera la somme ainsi accumulée pour ouvrir une école à Canfranc. Les nombreux courriers qui lui furent envoyés permettent de prendre la mesure de son action au cours de la guerre. Parmi eux, une lettre de l’ambassade du Japon et une autre de l’ambassade des États-Unis, mais aussi de Marc Chagall, Joséphine Baker ou Max Ernst pour ne citer qu’eux. Nombreux sont ceux qui ont enrichi ce reportage par leurs témoignages : des parents, des membres de la Résistance, des survivants de la Shoah, etc. Albert Le Lay est mort en 1988 à Saint-Jean-de-Luz où il avait pris sa retraite.

Albert Le Lay a sauvé la vie de familles entières, parmi lesquelles de nombreux Juifs. La Gestapo finit par découvrir son rôle mais il parvint à s’échapper et à gagner Alger en embarquant à Algeciras. La guerre terminée, il rentra au pays, refusa tout avancement et tout honneur, demandant même à sa famille de ne rien dire de ses activités durant la guerre. Il y a peu, l’un de ses petits-enfants, Víctor Fairén, est passé outre pour évoquer celui que l’on surnommait el Rey de Canfranc. Combien de personnes Albert le Lay a-t-il sauvées au péril de sa vie, sans jamais rien demander en retour ? On n’en connaît pas le nombre exact mais il est élevé.

Ce documentaire a été réalisé avec le soutien de Televisión Española (TVE). Il a été projeté au Festival Internacional de Cine de San Sebastián avant d’être présenté au grand public le vendredi 11 octobre 2013. C’est à partir du travail de Ramón J. Campo sur l’or des nazis ayant transité par Canfranc (‟Canfranc – El oro y los nazis”) que José Antonio Blanco et Manuel Priede González entreprirent cette enquête sur Albert Le Lay, un nom évoqué dans ces pages.

Ci-joint, une vidéo sur ‟Le Titanic des montagnes” (durée environ 10 mn) :

http://www.youtube.com/watch?v=arW6_xZHDDg

Ci-joint, la présentation du livre de Ramón J. Campo, ‟Canfranc et l’or des nazis”, traduit en français par Jean-Marie Flores :

http://www.michelguerin-com-over-blog.com/article-l-edition-fran-aise-presentee-a-pau-67652647.html

Et en cliquant sur l’une des images de l’en-tête du blog de Michel Guérin, le lecteur accèdera à une passionnante enquête…

 

Légion d'Honneur Albert Le Lay

Olivier Ypsilantis 

 

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