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« Israël peut-il survivre ? La nouvelle règle du jeu » de Michel Gurfinkiel (notes de lecture 2/4)

L’hypothèse de David Ben-Gourion et de Yitzhak Ben-Zvi selon laquelle les fellahin seraient des descendants de paysans juifs de l’époque du Second Temple, contraints de se convertir au christianisme puis à l’islam. La biologie moléculaire semble confirmer cette théorie qui concernerait également une partie des Bédouins. En 2000, une équipe internationale dirigée par le professeur Michael F. Hammer a dressé le profil génétique du peuple juif. Il en ressort que l’homogénéité de ce peuple est exceptionnelle en dépit de la dispersion. Cette recherche conduite avec la plus grande rigueur pousse de côté la rêverie d’Arthur Koestler au sujet des Khazars et les théories très orientées de certains antisionistes comme Shlomo Sand, auteur d’un livre dont le titre suffisait à garantir le succès commercial : “Comment le peuple juif fut inventé”. Cette même équipe a, par ailleurs, établi une proximité génétique entre les Juifs et les Kurdes du nord de l’Irak ‒ voir le récit biblique qui rapporte qu’Abraham est né à Haran, dans l’actuel Kurdistan. Au même moment, une autre équipe dirigée par le professeur Arielle Oppenheim dressait le profil génétique des Arabes vivant en Israël et dans les Territoires palestiniens : “Près de deux-tiers des Arabes israéliens et des Arabes vivant dans les Territoires palestiniens et une proportion analogue de Juifs israéliens descendent de trois ancêtres préhistoriques au moins qui vivaient au Moyen-Orient à l’époque néolithique”. Et elle établit une proximité génétique entre ces Arabes et les Kurdes. Conclusion sans doute amusée : d’un point de vue palestinien, ou pro-palestinien, cette parenté génétique écarte l’affirmation selon laquelle les Palestiniens arabes seraient des indigènes et les Israéliens des intrus. D’un point de vue israélien, ou pro-israélien, cette parenté écarte l’affirmation selon laquelle les Juifs seraient aujourd’hui les seuls descendants de l’Israël antique.

Proclamation de l’Etat d’Israël par David Ben Gourion, le 14 mai 1948

 

La toponymie est, elle aussi, parlante. Presque tous les sites palestiniens ont un nom arabe qui laisse transparaître une origine hébraïque et cette toponymie renvoie à l’idéologie juive de l’époque du Second Temple, avec opposition à la romanisation forcée de la topographie, notamment par le biais de la périphrase.

Le concept de naqba a été conçu par l’historien égyptien George Habib Antonius (voir son livre majeur : “The Arab Awakening” paru en 1938), membre de la communauté grecque orthodoxe. Sous la plume de ce pan-arabiste radical, naqba dénonce la réorganisation par la Grande-Bretagne et la France de la région en cinq États, entre 1920 et 1923, suite à la chute de l’Empire ottoman. On connaît la suite. Ce mot investi d’un sens précis va être réinvesti par les organisations militantes arabes pour désigner le “problème palestinien” en tant que tel.

Le mouvement nationaliste palestinien a repris tous les arguments du sionisme pour les retourner un à un à leur profit. Ainsi en sont-ils arrivés à placer devant Shoah son “équivalent”, Naqba (avec majuscule). Les exemples de naqba au sens premier ne manquent pas. Les Palestiniens en ont connu quatre, à commencer par la spoliation d’envergure infligée par la bourgeoisie urbaine arabe aux fellahin et aux Bédouins dans le cadre du Code Foncier de 1858 ; l’insurrection de 1936 lancée par Al-Husseini, réprimée par les Britanniques, et suivie d’une guerre civile entre Palestiniens qui ne fit pas moins de dix mille morts ; la guerre de 1948 et les exils consécutifs ; enfin, l’État Arafat mis en place en 1994 jusqu’à son implosion entre 2002 et 2009. Naqba pour les Juifs en terre d’islam, entre 1920 et 1980, soit plus d’un million de personnes. Naqba pour les Chrétiens d’Orient qui, entre 1917 et 2007, ont été quelque dix millions à quitter leur pays. Un exemple parmi tant d’autres : vers 1990, les Palestiniens chrétiens de Cisjordanie constituaient 15 % de la population locale ; ils ne sont plus que 2% à 3%. Bref, la liste des naqba est longue…

La Naqba (avec majuscule) de 1947-1948, la seule qu’évoquent les médias, n’est compréhensible que si on la relie à la naqba de 1936-1938, soit l’affrontement qui vit aux prises Britanniques/Juifs, Palestiniens/Palestiniens : soit nationalistes divers contre Parti de la paix, Husseinis contre Nashashibis, confréries dans l’orbite du Grand Mufti contre Qassamiya, une confrérie dissidente fondée par Al-Qassam. Suite à la répression conduite par les Britanniques, la communauté arabe palestinienne reste prostrée. Prise entre pays arabes protagonistes, milices des Husseinis et Juifs, elle ne parvient pas à réagir pleinement au cours de la guerre d’indépendance, qui débute fin 1947. Suite à cette guerre, 600 000 Arabes palestiniens abandonnent leur foyer : ce sont des “personnes déplacées”, soit réfugiés soit repliés soit expulsés.

● Les réfugiés “quittent leur foyer ou leur pays de leur propre mouvement et à la  suite d’une décision libre et personnelle, afin d’échapper à un danger”. Ce fut le cas des Effendis, ces membres de la bourgeoisie urbaine qui eurent la chance de pouvoir se replier chez des relations, dans des pays voisins, ce que ne pouvaient guère faire les Juifs. Souvenons-nous qu’il n’existait aucun État juif dans le monde et que les États non juifs restèrent fermés aux Juifs entre 1933 et 1945, alors que ces derniers étaient soumis aux pires violences de toute leur histoire.

● Les repliés “quittent leur foyer à la requête de leur gouvernement ou de toute autre autorité envers laquelle ils éprouvent des sentiments de confiance, ou de crainte”. L’appel des autorités britanniques, puis arabes surtout, explique en grande partie l’exode des Arabes palestiniens, un phénomène qui reste occulté par les propagandistes pro-palestiniens et les “nouveaux historiens” israéliens. Près de 300 000 Arabes palestiniens auraient obéi, en 1948, aux ordres de repli.

● Les expulsés, “chassés par la force de leur foyer ou de leurs pays”, soit un peu plus de 150 000 Arabes palestiniens. Certes, des exactions ont été commises mais les expulsions d’Arabes palestiniens ne s’inscrivent pas dans un plan de “nettoyage ethnique” élaboré par les autorités juives d’alors. Benny Morris a revu à la baisse ses déclarations concernant le “plan D”. Au total : dans les territoires dont Israël a pris le contrôle, 1/6ème de la population arabe est resté sur place, plus de 2/6ème a fui (réfugiés ou repliés), moins de 3/6ème a été expulsé. A ce propos, on pourrait évoquer l’insistance des “nouveaux historiens” israéliens, des propagandistes de fait puisqu’ils n’hésitent pas à tronquer leurs sources en commençant par pousser de côté ce qui pourrait porter préjudice à leurs présupposés ; autrement dit, ne pas accréditer leurs thèses.

Les Musulmans sont venus faire leurs courses dans l’Occident chrétien – ou postchrétien. Ils ont récupéré les élaborations de l’antisémitisme occidental pour les transplanter chez eux, en Turquie ottomane d’abord. C’est en Turquie, fin XIXème siècle, que l’antisémitisme européen commence à contaminer l’islam. On connaît la suite, avec propagation dans l’ensemble du monde arabe puis iranien. Les intellectuels chrétiens d’Orient et un certain personnel ecclésiastique européen ne furent pas en reste dans cette propagation.

Commentaire de Stig Jagerskiold à propos du droit au retour : “Ce droit ne s’applique qu’à des individus faisant valoir leurs droits individuels. Il n’y a jamais eu ici aucune intention de répondre aux demandes des masses humaines qui ont été déplacées par suite d’une guerre ou d’un transfert politique de territoire ou de population, tels que la transplantation de populations ethniquement allemandes d’Europe de l’Est pendant et après la Seconde Guerre mondiale, la fuite des Palestiniens de ce qui allait devenir Israël ou l’exode des Juifs des pays arabes. Quels que soient les mérites de diverses revendications “irrédentistes”, ou ceux des masses de réfugiés qui désirent retourner dans les pays où ils ont vécu originellement, la Convention (la Convention internationale sur les droits civils et politiques, adoptée en 1966) ne traite pas de ces problèmes, et ne peut être invoquée pour asseoir un droit au retour.” Il convient d’envisager le droit au retour en regard des “échanges de populations” ‒ entre autres nombreux exemples : Turcs et Grecs, musulmans indiens et hindous pakistanais. Israël refuse le droit au retour tel que l’interprètent les Arabes mais il n’a jamais refusé la possibilité de retours individuels. Plus de 200 000 personnes auraient bénéficié de ce droit sur plus de trente ans. (à suivre)

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