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Iran et Israël, deux pays aristocratiques – 2/4

Jusqu’au milieu du XXe siècle, l’Iran est une société rurale et conservatrice. La communauté juive vit pauvrement, repliée sur elle-même. Le niveau d’éducation est très faible. La mortalité est élevée. Les mariages précoces et la polygamie sont des pratiques courantes. L’Alliance israélite universelle (AIU) fondée en 1873 va transformer cette communauté. Pour sa première rentrée à Téhéran, en 1898, l’Alliance israélite universelle accueille 350 enfants en classes élémentaires. Ils sont 481 à la fin de l’année scolaire. La communauté juive de la capitale iranienne compte alors environ 6 000 membres. Pour l’année scolaire 1913-1914, on compte 645 élèves, dont 190 filles. Entre 1898 et 1920, l’Alliance israélite universelle essaime en province. Quand elle ne peut créer une nouvelle école, elle apporte son appui aux communautés locales afin de les aider à améliorer la pédagogie et les conditions d’enseignement.

 

Le Centre Mondial de la Foi baha’i, sur le Mont Carmel, Haïfa

Le Centre Mondial de la Foi baha’i, sur le Mont Carmel, Haïfa et Saint Jean d’Acre, Israël. 

 

Dans les années 1920, la communauté juive d’Iran voit ses conditions de vie s’améliorer, conséquence de la révolution constitutionnelle de 1906 : pour la première fois, les Juifs sont considérés comme une minorité et un siège leur est dévolu au Parlement, comme pour les autres minorités (Arméniens, Zoroastriens, Assyriens). Passons sur les opposants à l’Alliance israélite universelle, notamment au sein de la communauté juive, pour  en venir à un autre sujet d’inquiétude qui, lui, plaide en faveur de l’action de l’Alliance israélite universelle : le bahaïsme dont le fondateur, Mirza Hussayn Ali Nouri (1817-1892), issu d’une famille chiite, professe la modernité : égalité des sexes, compatibilité de la science et de la religion, etc. Ci-joint, un lien (‟Le bahaïsme – partie 1/2 : origine et histoire”) sur cette secte considérée comme hérétique par l’islam dont elle est issue. En bas d’article, le lecteur trouvera le lien lui permettant d’accéder à la deuxième partie (‟Le bahaïsme – partie 2/2 : sa doctrine”) :

http://www.islamreligion.com/fr/articles/309/

Le comité iranien du Congrès juif mondial estime à plus de 22 % les membres de la communauté juive iranienne convertis au bahaïsme. En conséquence, le rabbinat iranien accroît le nombre des établissements de l’Alliance israélite universelle. Mais la modernité professée par le bahaïsme continue à attirer toujours plus de jeunes Juifs.

La politique de David Ben Gourion vis-à-vis de l’Iran m’intéresse particulièrement. Elle inclut des analyses géopolitiques, historiques et psychologiques. Elle va dans le sens de certains de mes espoirs et de mes intuitions. Parmi eux : le morcellement du monde arabe. Il y a peu, j’ai pris connaissance du plan Yinon, un plan qui suscite mon enthousiasme, je l’avoue.  Pour les antisionistes, un tel plan ne peut avoir été élaboré que par les Sages de Sion… Qu’importe ! Il me semble que les ‟Printemps arabes” pourraient  en faciliter la mise en œuvre et offrir une occasion de libérer des peuples opprimés, tels que les Kurdes et les Kabyles. David Ben Gourion a élaboré deux théories complémentaires : les alliances périphériques et l’alliance des minorités. J’y reviendrai.

Dans le foutoir arabe, deux pays sont isolés, Israël et… l’Iran. Oublierait-on que l’Iran a dans son dos un pays éminemment dangereux, une puissance nucléaire dont personne (hormis l’Inde) ne semble s’inquiéter : le Pakistan avec lequel se sont entortillés les Américains.

Les minorités peuvent être potentiellement un appui pour Israël, partant du principe que,  face aux Arabes, elles ont une nécessité de solidarité, des Maronites du Liban aux Kurdes d’Irak. On oublie l’appui conjointement apporté au Commandant Massoud par l’État d’Israël et la République islamique d’Iran, une alliance qui s’inscrit dans la doctrine élaborée par David ben Gourion : l’alliance des minorités. L’information (qui s’apparente trop souvent à de la désinformation) oublie que l’Iran et Israël ont soutenu le Commandant Massoud face aux taliban (sunnites) soutenus par le Pakistan. Elle oublie aussi que Jérusalem et Téhéran ont apporté conjointement leur appui aux Kurdes d’Irak jusqu’à la chute de Saddam Hussein. Le ‟Printemps arabe” ne peut que réactiver ces théories d’alliances périphériques et d’alliance des minorités. La partition de la Syrie devrait être la meilleure des solutions pour tous.

Un mot aux mémoires courtes qui considèrent qu’Israël n’est qu’une succursale des États-Unis. Elles feraient mieux d’étudier la complexité des relations entre ces deux pays. Auraient-elles oublié que les Américains ont commencé par s’opposer à la reconnaissance de l’État d’Israël, que le Secrétaire d’État des États-Unis, George C. Marshall, et le Département d’État privilégiaient une politique pro-arabe, et que le président Harry S. Truman fut le premier à reconnaître Israël de facto (non de jure) ? Auraient-elles oublié que l’URSS fut le premier État à reconnaître de jure l’État d’Israël ? Il est vrai que cette reconnaissance était un calcul de Staline qui espérait ainsi porter préjudice à l’influence britannique dans la région. D’ailleurs, en 1952, une campagne antisémite sera lancée en URSS qui culminera avec le “complot des blouses blanches”. Moscou ne deviendra l’alliée des Arabes qu’en 1960, suite à l’expédition de Suez (1956).

L’Iran a eu de forts liens avec la Palestine. En 1921, Téhéran estime à 30 000 ses ressortissants en Palestine, dont une forte majorité de Juifs. En 1934, Téhéran ouvre un consulat à Jérusalem. Je passe sur certaines tractations diplomatiques pour en venir au 6 mars 1950, date à laquelle le Premier ministre iranien, Mohammed Saed, prend la décision de reconnaître l’État juif, une reconnaissance de facto qui vaut reconnaissance de jure, un habillage destiné à ne pas froisser les pays arabes. David Ben Gourion peut être satisfait : cette reconnaissance va dans le sens de sa stratégie d’alliances périphériques. Par ailleurs, les relations entre Israël et la Turquie, un pays non-arabe, se développent.

Le 7 mai 1951, Mohammad Mossadegh est nommé Premier ministre du Shah d’Iran. Il veut faire de son pays un pays moderne et une puissance régionale grâce à des revenus du pétrole mieux partagés. Les Britanniques sont propriétaires de l’Anglo-Iranian Oil Company (AIOC) et les Iraniens ne touchent que 25 % des bénéfices. Ces derniers espèrent au moins parvenir à un accord prévoyant un partage à parts égales comme y sont parvenus les Saoudiens avec les Américains. Mais Londres ne cède pas. Mohammad Mossadegh prend alors la décision de nationaliser l’AIOC. Londres et le cartel des sept multinationales qui se partagent alors le marché du pétrole décident de boycotter le pétrole iranien. Les Britanniques se mettent à exploiter les réserves du Koweït. L’Iran est isolé et trouve en Nasser un allié de circonstance. L’alliance avec l’ennemi arabe n’est justifiée que par la volonté d’indépendance et de souveraineté de l’Iran et sa volonté d’obtenir gain de cause devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye.

Malgré quelques incidents, l’Iran multiplie les relations économiques et commerciales avec Israël. Le 11 juin 1953, les banques nationales des deux pays signent un accord prévoyant une ligne de crédit spécifique. C’est sous le gouvernement de Mohammad Mossadegh qu’est créé ‟Iris”, une entité israélo-iranienne dont l’objet est de favoriser le commerce entre les deux pays. Le Shah admire Israël qui a flanqué une raclée aux armées arabes. Par ailleurs, il hait Nasser qui le lui rend bien. En juillet 1960, les relations entre l’Iran et l’Égypte sont rompues. Le panarabisme du Nasser n’est pas du goût de l’Iran. Il est vrai que d’autres pays arabes comme la Jordanie et l’Irak du général Kassem, alors Premier ministre, observent avec méfiance les transes de Nasser. Je ne m’attarderai pas sur les relations entre la Savak et le Mossad tant elles ont été complexes ; je rappelle simplement que ces services ont mené des actions conjointes de renseignement en Syrie, en Égypte et en Irak. Pour contrecarrer l’appel au soulèvement de la minorité arabe du Khuzestan iranien lancé par l’Irak, la Savak a bénéficié de divers appuis dont celui du Mossad, au non des alliances périphériques. Autre forme d’action commune, le sauvetage des derniers Juifs d’Irak, ainsi que je l’ai mentionné.

Ci-joint, une excellente notice biographique (en anglais) sur ce grand homme d’État que fut Mohammad Mossadegh, avec de nombreux liens en bas d’article :

http://www.mohammadmossadegh.com/biography/

 

Mohammad Mossadegh

Mohammad Mossadegh (1882-1967)

(à suivre)

Olivier Ypsilantis 

1 thought on “Iran et Israël, deux pays aristocratiques – 2/4”

  1. Je souhaite de tout coeur que nos presque voisins iraniens se soulèvent contre leur régime et nous envoient des signes positifs. Dans ce monde moyen-oriental à feu et à sang ce serait une belle embellie. Les enfants ici apprennent souvent l’arabe au lycée, un certain nombre continue avec le persan à l’Université!

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