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Notes de lecture. En lisant Maurice-Ruben Hayoun. 2/2

La Wissenschaft des Judentums (science du judaïsme), soit l’étude du judaïsme à l’aide d’outils scientifiques, un phénomène européen qui a plus particulièrement à voir avec la culture allemande. Les précurseurs de ce phénomène auquel est associé le nom de Moïse Mendelssohn sont des hébraïsants chrétiens parmi lesquels : Pic de La Mirandole, Jean Reuchlin, Jean Buxtorf et Jean Buxtorf le Jeune, des hébraïsants parfois plus animés par le zèle missionnaire — convertir les Juifs  — que par l’esprit scientifique.

 

Moritz SteinschneiderMoritz Steinschneider (1816-1907)

 

La Wissenschaft des Judentums où l’émergence d’une nouvelle autorité en remplacement du rabbinat traditionnel. Le Generalpatent (1750) de Frédéric le Grand ou la limitation du pouvoir des rabbins en matière d’affaires religieuses et plus encore en matière de juridiction civile.

 

La Wissenschaft des Judentums et les deux ‟coups d’essai” qui la préparèrent. Le premier : le Wissenschaftzirkel  (Cercle scientifique) à Berlin, novembre 1816 / juillet 1817. Le second : en 1821, le Verein für Cultur und Wissenschaft der Juden dont les membres ne tarderont pas à s’épuiser sans avoir répondu aux attentes des Juifs.

 

Leopold Zunz (1794-1886) quant à lui poursuivra l’œuvre et deviendra le plus grand érudit de la Wissenschaft des Judentums. Autres fondateurs de la Wissenschaft des Judentums : Hahman Krochmal (1785-1840), Salomon Juda Leib Rapoport (1790-1865), Heinrich Grätz (1817-1891), père de l’historiographie juive moderne avec lequel je partage la conviction suivante que je ne cesse de défendre : ‟Les Juifs sont et demeurent un peuple, l’Émancipation peut être profitable si l’on n’exige pas en retour l’abandon du judaïsme vivant.” Heinrich Grätz, disciple de Samson-Raphaël Hirsch (dont il va être question) et maître de Hermann Cohen. Autre fondateur, Moritz Steinschneider (1816-1907), père de la bibliographie juive moderne. Voir photographie ci-dessus.

– La Hochschule für die Wissenschaft des Judentums de Berlin, berceau et porte-parole de la Wissenschaft des Judentums, fondée en 1872, d’abord simple établissement d’enseignement supérieur, elle en viendra à former des rabbins destinés aux communautés juives ‟éclairées”. Concurrente de la Hochschule, le Orthodoxes Rabbiner seminar, fondé en 1873, à Berlin.

– Le Jüdisch-theologisches Seminar de Breslau.

– La Landesrabbinerschule de Budapest, fondée en 1877, une pépinière de la Wissenschaft des Judentums.

L’Instituto Convitto Rabbinico de Padoue, fondé en 1829. Le Séminaire israélite de France, fondé à Metz en 1830 et transféré à Paris en 1859 sous le nom d’École rabbinique de France ; elle est à l’origine de la Société des Études juives qui se dota de la Revue des Études juives. 

 

Pour les adeptes de la Wissenschaft, la question fondamentale était la suivante : ‟Fallait-il  étudier le passé juif pour effectuer une belle sortie de la scène de l’histoire, une sorte de chant du cygne à l’échelle du judaïsme tout entier, ou bien pouvait-on régénérer la culture et la spiritualité juives en conservant son aspect national (le sionisme) et ses espérances messianiques ?” La plupart des adeptes de la Wissenschaft des Judentums optèrent pour la seconde solution, considérant que les Juifs n’étaient pas seulement une Religions-Gemeinschaft (communauté religieuse) mais aussi une Volksgemeinschaft (un peuple), une position que j’ai toujours spontanément défendue.

 

Deux reproches peuvent être adressés à la Wissenschaft : avoir souvent tourné le dos au sentiment national juif et avoir expulsé la kabbale du champ des études juives. L’œuvre de Gershom Scholem soit : ‟Introduire l’analyse historique dans des textes mystiques si on veut les connaître dans leur dimension temporelle, faute de quoi tout écrit sur la kabbaleserait irrémédiablement condamné à être un écrit faisant partie de la kabbale.” Gershom Scholem qui porta un jugement très dur sur la Wissenschaft n’en est pas moins ‟son continuateur le plus brillant par ses analyses philologiques et historico-critiques.”

 

Samson-Raphaël Hirsch (1808-1888), né vingt-cinq ans après Moïse Mendelssohn, fait le bilan de l’Aufklärung et de l’Émancipation, une Émancipation à la Janus, avec une face lumineuse et une face obscure. Les ‟Dix-neuf épîtres sur le judaïsme” est le premier écrit du fondateur de la néo-orthodoxie juive. Il s’agit pour Samson-Raphaël Hirsch de montrer sous la forme d’une correspondance entre un maître et son disciple que le judaïsme authentique ne le cède en rien aux idéaux universels de l’Aufklärung mais que pour autant, Israël ne doit pas dissoudre sa singularité au sein de cette universalité. Samson-Raphaël Hirsch accueille favorablement l’Émancipation car il y entrevoit une condition favorable à la réalisation de la vocation d’Israël. Il prône pareillement l’approfondissement de la spécificité juive que l’engagement dans l’histoire. Son principe Torah et culture ou vie intramondaine est repris par les néo-orthodoxes qui refusent d’opposer judaïsme et modernité. Le but de Samson-Raphaël Hirsch lorsqu’il compile son code religieux : rationaliser (modérément) les commandements de la Torah et, ainsi, leur conférer une interprétation symbolique. Contrairement à Maïmonide ou Mendelssohn, Samson-Raphaël Hirsch insiste fortement sur l’action et limite sévèrement le champ de la spéculation. Il s’oppose à la conceptualisation — à la dépersonnalisation — de Dieu. La vie passe avant l’érudition. Son souci majeur, la fondation d’écoles juives a priorité sur tout le reste, y compris sur celle de synagogues. ‟Il est difficile de porter un jugement tranché sur l’activité d’un homme qui a véritablement sauvé le judaïsme européen du naufrage de l’assimilation, au prix parfois de quelques excès (…) C’est l’œuvre hirschienne qui va irriguer tout le penser et le vécu de la néo-orthodoxie juive jusqu’à nous jours.” Ci-joint, un lien Akadem intitulé ‟Fondation de la Néo-Orthodoxie” :

http://www.akadem.org/medias/documents/2_SamsonRaphaelHirsch.pdf

 

Abraham Geiger (1810-1874), auteur d’une thèse sur les emprunts de Mahomet au judaïsme, thèse intitulée : ‟Was hat Mohammad aus dem Juenthume aufgenommen”. Son concept dynamique de la tradition. Pour lui, toute l’histoire du judaïsme n’est qu’évolution. Le Talmud lui-même témoigne d’une époque donnée et doit à son tour être interprété, dépassé, afin de répondre aux temps présents. Sa critique des conservateurs qu’il traite de Talmud-Karäer (Karaïtes du Talmud). Son attitude face au Frankfurter Verein der Reformfreunde, notamment au sujet de la circoncision, le troisième des cinq principes de ce groupe : ‟Le groupe ne voyait en la circoncision nul rite symbolique ni religieux.” Ci-joint, un lien de la Jewish Encyclopedia :

http://www.jewishencyclopedia.com/articles/6560-geiger-abraham

 

Deux autres grandes figures de la réforme :

– Samuel Holdheim (1806-1860). Ses attaques contre le judaïsme rabbinique dans ‟Reformbestrebung und Emancipation”. Ci-joint, un lien de la Jewish Encyclopedia :

http://www.jewishencyclopedia.com/articles/7813-holdheim-samuel

– Ludwig Philippson (1811-1889), fondateur de l’Allgemeine Zeitung des Judentums, publié jusqu’en 1920. Ci-joint, un lien Akadem intitulé ‟La Bible de Philippson” :

http://www.akadem.org/medias/documents/Bible-Philippson-2.pdf

 

Léo Baeck (1873-1956). Son œuvre majeure, ‟Das Wesen des Judentums”. Sa critique de la mystique juive, critique sur laquelle il reviendra dans une nouvelle édition de cet ouvrage, en 1922. Ci-joint, un lien de la Jewish Virtual Library :

http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/biography/baeck.html

 

Étudier l’action du Preussischer Landes-Verband jüdischer Gemeinden (Association nationale des Communautés juives de Prusse).

 

Ces personnalités juives allemandes prises entre deux appartenances :

– Walther Rathenau. Son pamphlet intitulé ‟Höre Israel !” et publié en 1897 dans ‟Die Zukunft” dont on peut lire l’intégralité dans le lien suivant :

http://germanhistorydocs.ghi-dc.org/sub_document.cfm?document_id=717

– Moritz Goldstein. Son pamphlet intitulé ‟Deutsch-jüdischer Parnass” et publié dans la revue ‟Kunstwart”. Sur le blog de Maurice-Ruben Hayoun, un article :  ‟Edith Stein et le judaïsme de son temps”, sous-titré ‟L’état du judaïsme d’Allemagne et de l’aire culturelle germanique à l’époque d’Edith Stein (1891-1943)”. Dans ces lignes passe la figure de Moritz Goldstein :

http://mrhayoun.blog.tdg.ch/archive/2012/10/12/edith-stein-et-le-judaisme-de-son-temps.html

– Ernst Lissauer est invité à répondre à Moritz Goldstein. Il commence par déclarer que depuis que les Juifs ont quitté le ghetto, ils ne constituent plus un peuple, et ainsi de suite. Puis il déclare que la conversion au christianisme rendrait les choses plus faciles pour les Juifs. Autrement dit : que les Juifs mettent au placard leur spécificité juive et tout ira mieux pour eux (?!). L’homme manquait-il à ce point de clairvoyance ou bien se chantait-il des berceuses ? L’antisémitisme peut être très présent dans un pays judenrein.

– Fernand Avenarius ne s’attarde pas sur Ernst Lissauer et se concentre sur Moritz Goldstein qui selon lui pose les vrais problèmes et prône, instinctivement pourrait-on dire, l’émigration en Palestine et la continuité de l’action juive en Allemagne.

– Theodor Lessing, l’auteur de ‟Der jüdische Selbsthass” (‟La haine juive de soi-même”, 1930). Theodor Lessing est d’avis que les événements de l’histoire humaine (cette chaîne ininterrompue de changements fortuits du pouvoir et d’actions arbitraires, cet océan de sang, de fiel et de sueur) seraient insupportables si l’homme ne pouvait leur attribuer un sens. « Il ne suffit pas à l’homme d’assigner une cause à chaque événement, il lui faut leur donner un sens. Ainsi lorsqu’il dit  ‟A qui la faute ?” il y a déjà un jugement moral. Pour l’auteur, l’une des vérités les plus sûres de la psychologie des peuples est la suivante : les Juifs furent les premiers et peut-être même les seuls à avoir cherché en ‟eux-mêmes” la faute du devenir historique de l’univers. A cette question ‟Pourquoi ne nous aime-t-on pas ?” la doctrine juive répond depuis les origines des temps : ‟Parce que nous sommes coupables.” »

 

Figure centrale du sionisme allemand, Kurt Blumenfeld.

 

Martin Buber, une pensée nourrie de la Bible hébraïque et du hassidisme, avec la relation constante du Je-Tu (Ich-Du). Au commencement était la relation… Sa traduction de la Bible en relation avec Franz Rosenzweig. Déjà publié sur zakhor-online.com, cet article consacré à Martin Buber  :

http://zakhor-online.com/?tag=martin-buber

 

Franz Rosenzweig nous met en garde contre les dangers de l’abstraction (l’idéalisme allemand, en l’occurrence) dans ‟Das Buchlein vom gesunden und kranken Menschenverstand” (‟Livret de l’entendement sain et malsain”). Ci-joint, un très riche lien mis en ligne par la Stanford Encyclopedia of Philosophy :

http://plato.stanford.edu/entries/rosenzweig/

 

En aparté. Sur le blog de Maurice-Ruben Hayoun, ‟Fritz Mauthner, l’homme qui se méfiait des mots…” ; il y est question du fardeau que peut représenter le judaïsme pour certains Juifs :

http://mrhayoun.blog.tdg.ch/archive/2012/08/26/fritz-mauthner-l-homme-qui-se-mefiait-des-mots.html

1 thought on “Notes de lecture. En lisant Maurice-Ruben Hayoun. 2/2”

  1. J’ai toujours bien aimé le personnage de Shimshon Raphaël Hirsch car il a su donner un second souffle au judaïsme d’Europe occidentale, confronté à émancipation et à l’assimilation. Son judaisme était celui de Thora et Derekh Eretz, Thora et savoir-vivre dans le pays ou nous habitons. Il est vrai que si nous avons eu beaucoup de derekh eretz envers l’Europe, elle n’en a pas eu envers nous, mais qui pouvait prévoir?
    Mon seul regret est qu’il n’était pas sioniste!
    Certains voient en lui le précurseur de la Modern Orthodoxy, il est difficile de juger étant donné que plus d’un siècle le sépare du Rav Joseph Soloveitchik. Je pense que chacun des deux a été un grand dans son époque. Connaissez vous le site http://www.modernorthodox.fr/? Je le trouve passionnant.

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