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A propos de Roger Garaudy

 

Le présent article rend compte du livre ‟Roger Garaudy, itinéraire d’une négation” de Michaël Prazan et Adrien Minard dont j’ai eu connaissance par un article de Allegra, publié le 17 juin 2012 sur le blog ‟L’Avis sauve à condition d’éclairer” :

http://lavissauve3.blogs.nouvelobs.com/

 

 

‟Allegra, je vous remercie de ce compte-rendu si précis. Tout d’abord, je dois vous dire que je n’ai pas immédiatement cru à la mort de Roger Garaudy. Il s’est trouvé plusieurs fois à l’agonie lorsque j’habitais Cordoue, ville dont il était la mascotte — et peut-être l’est-il encore.

 

Vous rappelez l’itinéraire d’un homme qui fut un véritable geländewagen, un schwimmwagen même. Plus sérieusement, il fut bien une aubaine pour l’aire arabo-musulmane et, plus généralement, pour l’islam. Il fut une aubaine pour d’autres aussi ; mais pour l’heure ce sont ses amours avec l’islam qui m’intéressent. Et je vais redire ce que j’ai pu dire ici et là, à savoir que l’anti-sionisme arabo-musulman est fortifié par un antisémitisme venu d’ailleurs, tandis que l’antisémitisme bien de chez nous, européen (et dont le terreau est chrétien), se trouve fortifié par l’anti-sionisme arabo-musulman et, plus généralement, musulman. C’est cette java entre deux aires qui ont longtemps été relativement distinctes (il y eut d’abord la pénétration des spécialistes nazis dans le monde arabe au cours de la Deuxième Guerre mondiale puis juste après, puis les manœuvres de la diplomatie et des services secrets soviétiques), c’est cette java donc qui rend le monde si inquiétant pour les Juifs et les non-Juifs (peu nombreux) qui éprouvent une franche sympathie envers le peuple juif et l’État d’Israël et qui considèrent que l’existence de ce dernier est vitale non seulement pour les Juifs mais aussi pour eux-mêmes.

 

Ce n’est pas seulement une java du diable, ce sont deux produits toxiques qui se mélangent intimement, un mélange qui décuple la toxicité de ces produits respectifs. Roger Garaudy est l’un de ceux qui ont participé à ce processus.

 

Et permettez-moi d’en venir à la perméabilité du monde arabe aux thèses négationnistes. Les Arabes, et plus généralement les musulmans, peuvent se sentir dégagés de la Shoah, la plus vaste entreprise de destruction d’un peuple et, surtout, la plus méthodique : ils n’y ont participé en rien. Il y a bien eu des sympathisants arabes du nazisme (dont le Grand Mufti de Jérusalem) et des Waffen SS musulmans, principalement dans les Balkans. Mais on peut tout de même avancer que les musulmans n’ont pas été les acteurs de la Shoah. L’aire de la Shoah n’a pas été une aire musulmane, les acteurs de la Conférence de Wannsee, les membres des Einsatzgruppen, les gardiens de Sobibor, Belzec, Treblinka et de tant d’autres abattoirs n’étaient pas des musulmans à ce que je sache. La haine ‟raciale” du Juif est une haine bien européenne. Cette haine qui est devenue quelque peu honteuse d’elle-même pour cause de Shoah a pu trouver dans l’anti-sionisme arabe, et plus généralement musulman, un formidable exutoire, une couche de fard derrière laquelle masquer sa crasse. Et ainsi, dans cette java du diable, tout le monde contamine tout le monde.

 

Et je vais revenir sur un autre point qui me tient à cœur, un point sur lequel on insiste peu, très peu. Le monde serait-il aveugle ou bien refuserait-il tout simplement de voir ? La littérature antisémite, la vraie, la ‟pure”, celle d’avant la création de l’État d’Israël, a été concoctée chez nous. L’appareil théorique de l’antisémitisme s’est élaboré chez nous, en Europe ; et une partie de cette production a donné et donne encore des best-sellers dans le monde musulman (arabe, turc et j’en passe), à commencer par les ‟Protocoles des Sages de Sion”. La littérature antisémite a donné à l’occasion des produits très élaborés, très ingénieux, très efficaces. Les Arabo-musulmans, pour ne citer qu’eux, s’en sont emparés pour les recycler, y injecter de l’anti-sionisme et nous les renvoyer, gonflés d’anabolisants. Ils font leurs courses chez nous ; nous les faisons chez eux. Ce petit commerce est affreux.

 

L’antisémitisme se relooke en toute impunité et la cause palestinienne entre pour beaucoup dans la composition de cette couche de fard. Par ailleurs, il contamine un anti-sionisme relativement ‟pur” avant de nous revenir, plus avenant : la vieille chose s’est faite faire des liftings. Il y aurait tant à dire, mais je m’arrête là.

 

Roger Garaudy aura été l’un de ceux — et pas des moindres  — qui auront contribué à faire se mélanger plus intimement encore ces deux produits hautement toxiques : l’antisémitisme — plutôt occidental — et l’anti-sionisme — plutôt moyen-oriental.”

 

 

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