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‘‘Printemps arabe’’ ou ‘‘Printemps de l’islamisme’’ ?

 

Nous nous sommes entichés de l’expression “Printemps arabe”. Je ne sais ni comment ni pourquoi. Probablement nous évoque-t-elle, l’air de rien, Printemps de Prague (Tchécoslovaquie, 1968) et Révolution des Œillets (Portugal, 1974), deux beaux événements, j’en conviens. “Printemps arabe”, on a presque la larme à l’œil, comme nos aînés lorsqu’ils écoutaient Jean Ferrat.

 

 Dessin de Marc Large, né en 1973.

 

“Printemps arabe” ? Dans quelle cuisine a-t-on concocté cette douceur dont on nous a gavé et qui aujourd’hui provoque des nausées ? Mais, tout d’abord, est-il vraiment arabe ce “Printemps” ? L’expression fait fi d’autres peuples qui font partie intégrante de ces pays où a fleuri (sic) ledit “Printemps”, à commencer par les Berbères. Je pinaille dira-t-on. Mais j’insiste. Est-il arabe ce “Printemps” ? L’est-il par la langue ? L’arabe est un magma de dialectes, de langues vernaculaires, un magma à la surface duquel flotte une langue véhiculaire, l’arabe classique, pas si véhiculaire puisqu’il n’est parlé que par une minorité cultivée dans les pays du Maghreb — les pays du “Printemps arabe”. Ces pays où flotte à présent l’odeur du jasmin (sic) ne sont unis que par l’Islam, la pratique de l’Islam. Or, actuellement, les Arabes ne représentent plus que 15 % au sein de l’ouma.

 

Le panarabisme, dont Nasser reste le représentant le plus emblématique, s’est posé comme une alternative à l’ouma, la communauté des croyants supposée transcender les races, les langues, etc. Le panarabisme fut dès le début regardé avec suspicion, dégoût voire haine par les fondamentalistes musulmans car il était le fait d’un gouvernement séculier. Nasser avait beau se dire musulman, les fondamentalistes n’en avaient cure. Ils le regardaient comme un hypocrite, comme un tenant de l’apostasie, ou presque : bien que tenant les rênes du pouvoir, il ne faisait pas appliquer la charia.

 

Face à des “hypocrites” du type Nasser, l’islamisme se présente comme une entreprise systématique, destinée à guider le Musulman vers l’Arcadie, cet Islam des débuts, aux temps du Prophète et des quatre califes qui lui firent suite (au VIIe siècle donc), des temps considérés comme purs entre tous car les Musulmans étaient alors soumis corps et âme à la charia. Les Salafistes veulent restaurer l’époque de ces pieux ancêtres.

 

L’islamisme peut être envisagé comme un mouvement utopique à caractère rétrograde —et n’y aurait-il pas pléonasme, l’utopie étant intrinsèquement rétrograde ? — destiné à promouvoir le retour de l’Islam en politique. Le but ultime de l’islamisme est d’établir un califat aux dimensions planétaires dont seront éliminés les apostats et les “hypocrites” style Moubarak l’Égyptien ou Ben Ali le Tunisien, des hommes vendus à l’Occident, souillés par la modernité et mauvais musulmans puisqu’ils n’accordent pas une place centrale à la charia. L’ochlocratie que promeut l’Islam — et plus particulièrement l’islamisme — dénonce ces hommes qui, avec l’appui de l’Occident, ont usurpé une souveraineté qui n’appartient qu’à Allah. D’un certain point de vue, l’Islamisme est la quintessence de la démocratie : tout ce qui dépasse doit être coupé, tout ce qui monte doit être abaissé, tout ce qui diffère doit être écrasé, tout ce qui est doit se prosterner, front contre terre. C’est l’atroce routine, c’est la rumination coranique, c’est la sainte stabulation, c’est… C’est un monde figé à tout jamais, comme des insectes pris dans un bloc de résine.

 

Si les islamistes poursuivent tous un même but, il convient néanmoins de préciser qu’ils différent sur les méthodes et le rythme pour y parvenir. Gilles Kepel distingue entre les islamistes “par le bas” et les islamistes “par le haut”. Ces derniers veulent se saisir du pouvoir par la violence pour établir un gouvernement islamique qui institue la charia. Malgré des actions spectaculaires, cet islamisme n’a pas atteint ses objectifs. Dans les années 1980 et 1990, ses partisans s’imaginaient que les gouvernements apostats tomberaient les uns après les autres. Il n’en fut rien. Nombre de responsables de cet islamisme “par le haut” en vinrent à considérer que l’avant-garde qu’ils constituaient s’était déconnectée, et radicalement, de la communauté des croyants, du gros des troupes. C’est pourquoi ils se mirent à multiplier les efforts pour se reconnecter avec l’ouma. L’islamisme “par le bas” quant à lui ne pratique pas le terrorisme ; mais, redisons-le, son but ne diffère pas pour autant de l’islamisme “par le haut”. L’islamisme par le bas” ne pratique pas la violence, qu’elle soit tactique ou stratégique ; il n’en constitue pas moins un vivier dans lequel les agents recruteurs du terrorisme — de l’islamisme “par le haut” — peuvent lancer leurs filets. Emblématiques de cet  Islam “aimable” sont les Frères Musulmans et d’autres groupes tel que le mouvement Tabligh. Ils ont le même modus operandi. Ils s’installent dans les vides laissés par l’État en édifiant une mosquée qui dispense toutes sortes de services aux Musulmans qui le demandent : santé, logement, etc. Ces mosquées sont aussi des lieux où des Musulmans paumés, à commencer par les jeunes, peuvent espérer donner un sens à leur vie. L’Islam, cette religion simple, rustique et dotée d’une législation stricte, est idéal de ce point de vue. Rien à voir avec le brainstorming du judaïsme et la théologie alambiquée du christianisme.

 

Je ne cherche pas à caricaturer le Musulman. Nombre d’entre eux vivent leur foi modestement et généreusement sans imaginer couper des gorges, qu’elles soient juives, chrétiennes ou païennes. Il n’en reste pas moins que cette religion contient un potentiel de violence qui peut être activé à tout moment. Que ceux qui n’ont jamais lu le Coran le lisent et attentivement : tout et son contraire y figurent.

 

L’Occident, trop souvent prêt à prendre des vessies pour des lanternes ou, plus simplement, à ne voir que ce qu’il veut voir, s’est mis à ânonner cette irritante expression, “Printemps arabe”, une expression qui m’a irrité dès le début. Il la criait même sur tous les toits car il croyait à un processus de sécularisation. Le pauvre ! A croire qu’il n’est jamais sorti de chez lui. Un minimum de connaissance des sociétés arabes lui aurait évité de donner dans le youpi-youpa.

 

L’expression “Printemps arabe” relève du canular, c’est tout au moins ce que je me suis dit avant même que le sang ne se mette à couler un peu partout. S’il y a un “Printemps”, c’est celui de l’islamisme, un islamisme “par le bas” style Frères Musulmans, c’est-à-dire un retour de l’Islam en politique, de plain-pied et relativement en douceur. Ce “Printemps de l’islamisme” va-t-il freiner les actions terroristes des islamistes “par le haut”, pour reprendre la formule de Gilles Kepel ? Rien n’est moins sûr. A suivre sans cette ridicule ingénuité qui a fait se dilater tant de narines au-dessus du “Printemps arabe” !!!

 

2 thoughts on “‘‘Printemps arabe’’ ou ‘‘Printemps de l’islamisme’’ ?”

  1. Bonjour,

    Je tenais à vous remercier pour cet éclairage et soumettre mon point de vue sur la préférence musulmane dans les pays arabes et plus généralement les pays à forte majorité musulmane.
    En effet, comme la religion juive, l’Islam est également un mode de vie et de penser. Il ne faut pas considérer ce phénomène comme une menace pour la démocratie et le respect des autres religions. On va vers un modèle de gouvernance comme celle acceptée depuis des décennies pour Israël. Je ne crois pas que le fait d’associer Israël à un état Juif pose problème.

    Cordialement,

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