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Général Dragoljub Mihailović (1893-1946), homme tragique et admirable. 1/2.

«Tandis que j’écris ces lignes, au petit jour, devant une mer immobile, tout à coup dorée par l’aube, je pense que Mihailović est en train de faire face au peloton. On peut penser ce qu’on veut de celui qui fut le premier des maquisards, mais l’ignoble est précisément que personne n’en pense rien. Innocent ou coupable, qu’importe ? Le monde s’en fout. Et bien, moi je me fous de ce monde» note Bernanos, alors en exil au Brésil.

 

Par ce modeste article (en deux parties) j’entends rendre hommage à un homme trahi et assassiné, un homme tragique et admirable dont la mémoire crie. Et j’engage ceux qui me lisent à entreprendre la lecture de «Mihailović (1893-1946) – Héros trahi par les Alliés» de Jean-Christophe Buisson qui constitue une première pour le lecteur francophone.

 

J’ai entendu prononcer ce nom «Mihailović» au cours de mes études dans le secondaire. J’appris à l’occasion qu’il y avait eu deux grands mouvements de résistance en Yougoslavie, une résistance monarchiste et une résistance communiste, deux tendances qui en vinrent à se combattre, une guerre dans la guerre qui fit des dizaines de milliers de victimes.

 

Le long règne de Tito, chef de cette résistance communiste, puis les terribles complications et violences que connut le pays n’ont guère favorisé l’étude de cette figure majeure de l’histoire des Balkans : Dragoljub (ou «Draža») Mihailović. Un procès en réhabilitation s’est tenu en 2011, seulement au début de l’année 2011, à l’initiative de Voja Mihailović, ancien maire de Belgrade et petit-fils de Dragoljub Mihailović. Pourquoi un procès en réhabilitation ? Parce que le général Mihailović fut volontiers traité de «collabo» par la propagande alliée au cours de la Seconde Guerre mondiale, une propagande reprise et amplifiée par l’historiographie titiste (jusqu’en 1980), puis sous Milošević (jusqu’en 2000), autant de propagandes qui limitaient le combat à un affrontement entre Partisans et Fascistes, une catégorie dans laquelle étaient placés le royaliste Mihailović et ses Tchetniks, aux côtés des Oustachis et des SS (?!) Avant ce procès en réhabilitation, une commission d’historiens serbes avait été mise en place en avril 2009 afin d’enquêter sur les circonstances de l’exécution de Draža Mihailović, le     17 juillet 1946.

Le 27 septembre 1940, l’Allemagne, l’Italie et le Japon signent le Pacte tripartite, une organisation dont les objectifs sont militaires et idéologiques et qui conforte Hitler dans son projet d’attaquer l’URSS. Fin novembre, la Hongrie, la Roumanie et la République slovaque adhèrent au Pacte, suivies par la Bulgarie. Le prince et régent Paul de Yougoslavie résiste autant que possible aux propositions d’Hitler qui veut attaquer sans tarder l’URSS dans l’espoir de prendre Moscou avant l’hiver. Il finit toutefois par céder et, le 25 mars 1941, la Yougoslavie adhère au Pacte. Les officiers supérieurs de l’état-major n’apprécient guère cet arrangement, en particulier le général de brigade de l’armée de l’air Bora Mirković qui se met à la tête d’un coup d’État. Ces militaires bénéficient de nombreux soutiens, en particulier de celui de Churchill. 27 mars 1941, le coup d’État. Le prince Paul choisit l’exil. Ce jour restera dans la mémoire de Belgrade comme l’un des plus grands moments de son histoire : il efface la honte du Pacte signé deux jours auparavant. Le roi Pierre II qui n’a que dix-sept ans devient le symbole de la résistance à Hitler. Mais tandis que Belgrade est en liesse, Hitler signe le jour même de ce coup d’État la Directive N° 25 qui définit le plan d’invasion de la Yougoslavie. L’attaque de URSS est reportée de quatre semaines. Churchill et de Gaulle saluent le courage des Serbes. 6 avril 1941, les Allemands attaquent. Dès le premier soir du bombardement Belgrade déplore  17 000 victimes. L’invasion du pays est accélérée par la trahison de Volksdeutscher et de Croates. Lorsque les Allemands entrent dans Zagreb, Ante Pavelić proclame la création d’un État croate «libre» et «indépendant». Le 17 avril, soit douze jours après le début du conflit, la Yougoslavie capitule. Le pays est dépecé. Le colonel Mihailović a pris le maquis dès le 15 avril et commence à harceler l’ennemi avec quelques dizaines d’officiers et de soldats. Ils constituent le noyau de ce qui va devenir en quelques semaines la première guérilla de résistance en Europe occupée. «L’Armée yougoslave» (tel est le nom donné à l’organisation mise sur pied par Mihailović) qui ne cesse de grossir est structurée sans tarder en petites unités de Tchetniks pour plus de discrétion et de mobilité. Pendant ce temps Tito assiste non sans plaisir à la désagrégation de l’État yougoslave et son armée. En effet, pour cet idéologue la voie est libre pour l’instauration du pouvoir des soviets ouvriers et paysans en communion avec l’Union soviétique. L’historiographie titiste a occulté après la guerre et la scission avec l’URSS tout ce qui pouvait porter préjudice à cette croyance selon laquelle l’insurrection communiste en Yougoslavie fut spontanée — et non consécutive à la rupture du pacte germano-soviétique, le 22 juin 1941. Les communistes yougoslaves n’entreront formellement dans la résistance que le 4 juillet 1941 et ne prendront le maquis que fin août 1941.

 

Mihailović refuse le poste de chef d’état-major de l’armée serbe que lui propose le général Milan Nedić, une sorte de Pétain yougoslave propulsé à la tête d’un gouvernement d’union nationale par les Allemands désireux de désamorcer le mouvement de résistance initié par Mihailović, Mihailović qui refuse par ailleurs, et avec bien moins de ménagement, les avances de Dimitrije Ljotić, un fasciste. Suite à ce refus, les relations entre royalistes et fascistes yougoslaves se limiteront à des coups de feu. Les relations avec le Parti communiste yougoslave (PCY) seront quant à elles plus complexes. En effet, à partir du 22 juin 1941, le PCY devint un allié potentiel dans la lutte contre l’envahisseur. Des tractations s’en suivront ; elles aboutiront notamment à la rencontre Mihailović-Tito du 19 septembre 1941, de fait un dialogue de sourds entre Tito le politique et Mihailović le militaire.

 

Les Anglais débarquent secrètement un groupe d’agents parmi lesquels le capitaine Duane Tyrell (dit Bill Hudson) qui, contrairement aux autres membres de la mission, est chargé de «coordonner les efforts de toutes les forces de résistances contre l’ennemi»,  autrement dit : prendre contact avec Tito qui va s’empresser de communiquer des rapports mensongers à l’agent anglais : nous sommes fin octobre 1941 et les hommes de Tito — les Partisans —, contrairement à ce que prétend leur chef, ne se sont pas encore battus contre l’occupant. Mihailović qui flaire l’embrouille reçoit sans effusion Bill Hudson. La confusion est extrême, d’autant plus que les hommes de Kosta Pećanac, collaborateur des Allemands, se font aussi appeler «tchetniks». La deuxième rencontre Mihailović-Tito a lieu le 27 octobre 1941. Mihailović est sur ses gardes ; il refuse que les deux mouvements de résistance soient intégrés dans une structure commune : les communistes, même minoritaires, étant maîtres dans l’art d’enserrer, d’étouffer et de digérer ; aussi propose-t-il un combat côte à côte sans fusion structurelle. Suite aux événements d’Užice, communistes et royalistes vont s’efforcer de reprendre un fragile dialogue, dialogue qui tourne court. Les Allemands, exaspérés par le refus de Mihailović (il avait été approché par un agent de l’Abwehr, Joseph Matl, qui espérait sa collaboration contre les Partisans), attaquent massivement royalistes et communistes.

 

Selon la coutume orthodoxe Draža Mihailović s’est laissé pousser la barbe en signe de deuil. Il s’est promis de ne la raser que lorsque le roi Pierre II aura retrouvé son trône et son pays la liberté. 

 

Début 1942, le roi Pierre II en exil à Londres nomme Mihailović ministre de la Guerre, de la Marine et de l’Aviation et baptise ses troupes : l’Armée yougoslave dans la Patrie. Les Français libres de Londres qui entretiennent avec les Yougoslaves libres de Londres des rapports fraternels évoquent volontiers la résistance de Mihailović et ses Tchetniks dans leur émission radiophonique «Les Français parlent aux Français» ainsi que dans les journaux «France» et «La Marseillaise». Churchill planifie deux missions afin de «tâter» la résistance yougoslave. Staline qui a un besoin urgent de l’aide de ses alliés occidentaux en vient à réfréner Tito en proie à des fièvres idéologiques. Mihailović est à la tête d’une armée de 150 000 combattants ; et leur nombre ne cesse d’augmenter. Les États-Unis le célèbre, le comparant à Andreas Hofer. Il faut lire le long article du 25 mai 1942 que le magazine «Time» lui consacre. Sept divisions allemandes sont retenues dans la Šumadija. Ce sont autant de forces qui ne peuvent participer à l’attaque contre l’URSS. Par ailleurs, de nombreux sabotages contrarient affreusement l’approvisionnement de l’Afrika Korps. Soutien sans faille des États-Unis au cours de l’année 1942 et attitude ambiguë de l’URSS qui s’efforce de calmer le camarade Tito afin de ne pas inquiéter ses alliés… tout en pratiquant du bout des lèvres, pour l’heure, la calomnie et le mensonge à l’égard de Mihailović. Les rumeurs de l’été 1942 contre ce dernier ont été dissipées mais elles ont toutefois commencé à en intriguer quelques-uns. Calomniez, il en restera toujours quelque chose… Le cynisme est en politique une arme des plus efficaces. Les témoignages d’admiration à l’adresse de Mihailović n’en continuent pas moins d’affluer, parmi lesquels ceux des commandants des forces britanniques au Moyen-Orient, d’Anthony Eden, du général de Gaulle et de Franklin D. Roosevelt. Le général Mihailović est élu «homme de l’année 1942» avec le général MacArthur.

 

Churchill cherche à faire s’entendre monarchistes et communistes dans leur lutte contre l’occupant. Mais sans doute découragé par la complexité de la situation, il décide néanmoins dès août 1942 de prendre ses distances vis-à-vis de Mihailović. N’oublions pas que l’Allemagne nazie est alors au sommet de sa puissance, que sa domination prolongée sur l’Europe est envisagée par le Premier ministre et qu’en conséquence il est indispensable de se concilier l’URSS de Staline.

Ci-joint, en lien, un blog américain qui milite pour la réhabilitation du général Draža Mihailović :

http://www.generalmihailovich.com/2009_02_01_archive.html

 (à suivre) 


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