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En lisant « Kilvert’s Diary 1870-1879 »

 

A beautiful peaceful summer Sunday morn such as Robert Burns would have loved. Perfect peace and rest. The sun and the golden buttercup meadows had it almost all to themselves. A few soft fleecy clouds were rising out of the west but the gentle warm air scarcely stirred even the leaves on the lofty tops of the great poplars. One or two people were crossing the Common early by the several paths through the golden sea of buttercups which will soon be the silver sea of ox-eyes. The birds were singing quietly. The cuckoo’s notes tolled clear and sweet as a silver bell and a dove was pleading in the elm and “making intercession for us with groaning which cannot be uttered”. Kilvert’s Diary. Sunday, 15 June (1873). 

 

J’ai toujours apprécié les formes dites « mineures » de la littérature, en particulier la Correspondance et le Journal. Elles me semblent volontiers plus précieuses en informations sur une psychologie particulière mais aussi une société et une époque. Parmi les Journaux, celui de Franz Kafka occupe en moi une place très précieuse, avec ceux d’Anglais, les maîtres du genre ; et je pense en particulier à « Sentimental Journey through France and Italy by Mr. Yorick » de Laurence Sterne mais aussi à « The Diaries » de Virginia Woolf. Le monde politique a également donné des Journaux qui restent des documents majeurs pour l’histoire, comme ceux de Winston Churchill. Récemment, la redécouverte des Journaux de Joseph Goebbels et d’Alfred Rosenberg, principal théoricien du nazisme, a mis en émoi les historiens et à juste titre. J’aurais volontiers placé dans ma bibliothèque rien que des Journaux et des Correspondances : écrivains, poètes, voyageurs, chefs d’État ou de gouvernement, scientifiques, militaires, médecins, artisans, gardiens de square ou concierges, qu’importe !

 

L’édition en trois volumes de « Kilvert’s Diary » chez Jonathan Cape, London, 1961.

 

Il y a peu, j’ai découvert un journal assez particulier, « Kilvert’ Dairy 1870-1879 » publié chez Penguin Books, Selections from the Diary of the Rev. Francis Kilvert (1840-1879), chosen, edited and introduced by William Plomer, President of the Kilvert Society formed in 1948 “to foster an interest in the Rev Francis Kilvert, his work, his diary, and the countryside he loved”. Cet écrit a d’abord été publié en trois volumes : vol. I : 1870-1871, publié en 1938 ; vol. II : 1871-1874, publié en 1939 ; vol. III : 1874-1879, publié en 1940. La sélection en un volume a été d’abord été publiée par Jonathan Cape (maison d’édition fondée en 1921) en 1944 puis par Penguin Books en 1977.

Depuis sa publication entre 1938 et 1940 ; en trois volumes donc, « Kilvert’s Diary 1870-1879 » est devenu un classique. Il figure en bonne place dans ce genre si riche et si prisé en Angleterre, le Diary. Ce journal doit sa relative célébrité à des qualités particulières : la clarté et la concision du style et le sujet, soit la vie dans la campagne anglaise au cours de la période mid-Victorian – l’époque victorienne s’étendant du début des années 1830 à 1901, année de la mort de la reine Victoria.

Ces pages contiennent nombre de descriptions de paysages parfaitement belles et d’autant plus prenantes qu’elles sont d’une grande sobriété. Les qualités picturales – descriptives – de la langue anglaise sont mises en valeur. De fait, on lit ce livre comme on écouterait un ami tout en marchant à ses côtés dans des paysages choisis et qui requinquent. Le dimanche 14 avril (1872), il note : “The beauty of the view, the first view of the village, coming down by the Brooms this evening was indescribable. The brilliant golden poplar spires shone in the evening light like flame against the dark hill side of the Old Forest ant the blossoming fruit trees, the torch trees of Paradise blazed with a transparent green and white lustre up the dingle in the setting sunlight. The village is in a blaze of fruit blossom. Clyro is at its loveliest. What more can be said ?”

Ce sont des paysages à l’échelle humaine et, de fait, il n’y a pas de paysages plus à l’échelle humaine que ceux de la campagne anglaise. En lisant ces pages, on chemine donc en compagnie d’un ami modeste et attentif au monde, à la nature, aux femmes et aux hommes. Et l’humour ne manque pas – il est bien rare qu’il manque aux Anglais et, plus généralement, aux Britanniques. En tant que clergyman, il est bien accueilli dans les milieux les plus divers, tant parmi les propriétaires terriens que les travailleurs. Ses bonnes manières, sa vitalité, son amour des enfants, sa sympathie active envers les malheureux lui gagnent bien des sympathies. La compagnie de la bonne société, les repas et les divertissements qu’elle lui propose ne lui font jamais oublier qu’à peu de distance, à côté, il pourrait rencontrer la solitude, la misère, la faim voire le suicide et le meurtre.

Durant sept ans (de 1865 à 1872), Francis Kilvert est curate du Rev. Richard Lister Venables, vicaire de Clyro, dans le Radnorshire, au Pays de Galles, à la frontière avec l’Angleterre. Ce sont les années les plus heureuses de sa vie. Ce journal a fait de cette région un lieu de pèlerinage littéraire communément appelé Kilvert Country. A ce propos, pensons au Lake District et à William Wordsworth pour ne citer que lui. Mais il y a un autre Kilvert Country, à Chippenham, dans le Wiltshire, lieu de sa naissance et de son enfance où il revient en 1872 pour une période de quatre ans au cours de laquelle il est curate de son père, le Rev. Robert Kilvert. En 1876, il est nommé dans un lieu reculé, à St Harmon, au nord du Radnorshire (Pays de Galles), puis l’année suivante à Bredwardine, dans le Herefordshire, en Angleterre, à la frontière avec le Pays de Galles, non loin de Clyro.

 

 

En août 1879, Francis Kilvert épouse Elizabeth Anne (1846-1911). Un mois plus tard il meurt d’une péritonite. Il est inhumé à Bredwardine, au bord de la rivière Wye. Il ne laisse aucun enfant et sa veuve ne se remariera pas. Elle hérite du Diary dont elle aurait détruit deux parties (« two larges sections » écrit William Plomer dans son Introduction au « Kilvert’s Diary 1870-1879 ») pour des raisons personnelles, de septembre 1875 à mars 1876 et de juin 1876 à la fin 1877, deux parties auxquelles s’ajoute probablement une autre rendant compte de la cour faite par son futur époux ; restait vingt-deux carnets ; ils ne seront que trois à survivre après la destruction menée par une nièce de l’auteur. Pourquoi une telle destruction ?

L’édition que j’en ai lue, celle de Penguin Books, soit l’édition de William Plomer, représente-t-elle l’intégralité de ce qui a survécu à ces deux destructions : celle conduite par sa femme et, plus encore, par sa nièce ? Il est écrit en tête de cette édition : « Selections from the Diary of The Rev. Francis Kilvert. Ces « selections » sont-elles le fait de ses deux femmes ou bien William Plomer en a-t-il opérées lui aussi, sans destruction bien sûr ? L’affaire m’apparaît sérieusement embrouillée et ce que j’ai pu lire à ce sujet ne m’a guère aidé. Mais qu’importe ; j’ai eu grand plaisir à lire ces quelque trois cent soixante pages écrites par The Reverend Francis Kilvert « endearingly vulnerable to female beauty ».

En quatrième de couverture de l’édition Penguin Books, on peut lire : « The Reverend Francis Kelvert kept a diary for the nine years before his premature death; and in doing so he bequeathed to us a unique day-to-day documentary of life in Wiltshire and on the Welsh border as a Victorian clergyman ». En couverture, “Hill Crowle Church, Worcestershire” de Benjamin Williams Leader (1831-1923).

Alors que je m’apprêtais à mettre un point final à ce texte un article de The Guardian signé Mark Bostridge (publié dans le numéro du samedi 19 janvier 2008) et trouvé en ligne a retenu mon attention. Il répond en grande partie à mes interrogations. En lien donc l’article en question :

https://www.theguardian.com/books/2008/jan/19/fiction6

 

St Michael and All Angels Church (Clyro) où Francis Kilvert a été curate.

 

Brièvement. En 1937, William Plomer fait une trouvaille dans une pile de manuscrits, chez l’éditeur Jonathan Cape où il travaille en tant que lecteur. Il s’agit de deux carnets aux pages couvertes d’une écriture difficile à déchiffrer. Une lettre d’un neveu de Francis Kilvert accompagne cet envoi, signalant à William Plomer que s’il les trouve intéressants il s’engage à lui faire parvenir vingt autres carnets soit le reste de ce journal tenu entre janvier 1870 et mars 1879. William Plomer est enthousiaste, ce qui ne l’empêche pas de faire un tri : « Like most diaries, it was largely trivial and of ephemeral significance, but unlike most diaries it was the work of a writer of character and sensibility. » Environ les deux tiers de l’envoi seront éliminés de l’édition.

Publié en trois volumes par ses soins, comme je l’ai signalé, cet écrit reçut un accueil très favorable du public anglais. Il était regardé comme un document social, à la manière des romans de Thomas Hardy, un contemporain de Francis Kilvert. Par son esprit lyrique, Francis Kilvert a été rapproché de William Wordsworth. A ce propos, signalons qu’il était indirectement lié à ce poète par la famille Dew de Whitney Court, sur la rivière Wye. Mary Dew était parente de la femme de William Wordsworth, Mary Hutchinson. Ajoutons que cette publication en trois volumes qui s’étend sur les années 1938,1939 et 1940 faisait oublier aux lecteurs anglais leurs inquiétudes – le temps de la lecture –, avec cette tranquille ruralité du XIXe siècle anglais, ces beaux paysages et ces rencontres en compagnie d’un homme particulièrement agréable.

Lorsque le journal de Francis Kilvert arrive entre les mains de William Plomer, en 1937 donc, au moins dix volumes en ont été détruits. D’autres le seront encore, par sa nièce Essex Hope, ce que William Plomer n’apprendra qu’en 1958. Il en concevra une grande colère. Pourquoi une telle destruction ? Essex Hope a maintenu qu’elle l’avait fait pour répondre à la volonté de la sœur de Francis Kilvert, Dora, ce qui est probablement faux, Dora ayant une grande affection pour ce document qu’elle lisait régulièrement et jusqu’à un âge avancé. A l’occasion, Essex Hope se réfugiait derrière le prétexte que l’écriture en était « a trial to the eyes » et « exceedingly difficult to read ». Essex Hope fut une romancière mineure dans l’entre-deux-guerres. « I Have Come Home », un roman de 1940, a pour cadre la région que célèbre son oncle. Aurait-elle pris ombrage de la renommée posthume de cet oncle ?

Un reportage de BBC 2 (1976) présenté par Sir John Betjeman :

https://www.youtube.com/watch?v=Utow19Qj9js

 

How delightful it is in these summer evenings to wander from cottage to cottage and from farm to farm exchanging bright words and looks with the beautiful girls at their garden gates and talking to the kindly people sitting at their cottage doors or meeting in the lane when their work in done. How sweet it is to pass from house to house welcome and beloved everywhere by young and old, to meet the happy loving smiles of the dear children at their evening play in the lanes and fields and to meet with no harsher reproach than this, “It is a longful while since you have been to see us. We do all love to see you coming and we do miss you sorely when you are away”. Kilvert’s Diary. Tuesday, 8 June (1875).

Olivier Ypsilantis

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