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De l’antijudaïsme, de l’antisémitisme et de l’antisionisme

 

Au printemps 2002, un faux antijuif, un de plus, est généreusement diffusé en France par divers canaux, à commencer par le Parti des musulmans de France. On y mixte « sionisme », « racisme », « fascisme » et même « nazisme ». La pitance ne déplaît pas. Certains citoyens se pourlèchent les babines. Ce faux a pour titre « Le Manifeste (Judéo-Nazi) d’Ariel Sharon », un faux qui prétend mettre en lumière « les origines du génocide actuel des Palestiniens » (sous-titre de ce document). Il y est notamment question d’une prétendue « profession de foi nazie » du général Ariel Sharon qui « résume l’idéologie sioniste ». Son auteur, Mondher Sfar, marxiste tunisien installé en France, antisioniste et négationniste, collaborateur de la « Revue d’histoire révisionniste » fondée par Henri Roques.

Définition du mot « judéophobie » par Pierre-André Taguieff : une mixture d’hostilité, d’aversion et de haine à l’encontre des Juifs, alimentée par des fantasmes et structurée par des légendes et des rumeurs, ce qui permet d’élaborer « le Juif » comme l’ennemi absolu. L’antisémitisme raciste du XIXe siècle n’est qu’une forme particulière et plutôt récente parmi les multiples formes de la haine du Juif. La « nouvelle judéophobie » est une configuration antijuive, post-antisémite, apparue après la guerre des Six Jours (été 1967). Il ne s’agit pas d’une définition « raciale » (les « Sémites ») ; elle n’en est pas moins redoutable que l’antisémitisme historique.

L’alliance entre les milieux islamistes et l’extrême-droite. Voir certains slogans du Groupe Union Défense (G.U.D.) et certaines prises de position publiques de Jean-Marie Le Pen en faveur du monde arabo-musulman. Souvenons-nous de Ahmed Rami, de la station Radio Islam puis du site Internet Radio Islam. Souvenons-nous aussi de Robert Faurisson et de ses disciples anarchistes et trotskystes regroupés autour de « La Vieille Taupe ».

Wikipedia nous apprend que : « “La Vieille Taupe” est à l’origine une librairie d’ultra-gauche dirigée par un collectif militant du même nom, ouverte à Paris en septembre 1965. Cette librairie a fermé ses portes en 1972. Le nom a ensuite été utilisé, à partir de 1979, pour une maison d’édition négationniste, dirigée par un ancien de la librairie ». De cette mixture se dégage une odeur pestilentielle.

 

 

Négationnisme et antisionisme inconditionnels forment une entité. Voir « Les mythes fondateurs de la politique israélienne » de Roger Garaudy, un torche-cul initialement publié par « La Vieille Taupe ». Observez toute cette faune généralement de gauche et d’extrême-gauche, avec une pincée d’extrême-droite, qui s’émeut au sujet de la Palestine et des Palestiniens et qui soutient d’une manière plus ou moins visible les manifestations pro-palestiniennes. Dans cette faune des cloaques, des représentants du P.C.F., de la L.C.R., de la C.N.T., des militants anti-mondialisation (style A.T.T.A.C.) et antiracistes (style M.R.A.P.) et j’en passe, en compagnie d’organisations franco-palestiniennes et d’islamistes divers. Ces « antiracistes » et « antifascistes » braillent, sûrs d’eux-mêmes, incapables de percevoir l’effrayante contradiction : « Mort à Israël ! » et « Mort aux Juifs ! », le Juif non pas « racial » mais « sioniste », d’où leur bonne conscience et le sentiment qu’ils valent mieux que ceux qu’ils dénoncent, « fascistes » et « nazis », une bonne conscience qui leur permet de passer à l’étape suivante et d’accuser les « Juifs sionistes » (et les « sionistes » en général) de racisme. Cette accusation est enveloppée dans de la sucrerie à base d’idées sublimes et de nobles sentiments. On désigne « les victimes » (les Palestiniens) et « les bourreaux » (les Israéliens), on les départage suivant une ligne tracée sans reprise. On se met bien entendu du côté « des victimes » (il s’agit d’abord d’œuvrer l’air de rien à sa propre promotion dans l’ordre du Vrai – du Beau – du Bien), puis on enchaîne les slogans. L’instrumentalisation de l’humanisme et de l’antiracisme à des fins antijuives est au cœur de la nouvelle judéophobie. Le père José Bové, cet antimondialiste, a attribué, au printemps 2002, les violences antijuives en France aux services secrets israéliens. Ben voyons. L’individu en question a osé dire : « Il faut se demander à qui profite le crime. Je dénonce tous les actes visant des lieux de culte. Mais je crois que le gouvernement israélien et ses services secrets ont intérêt à créer une certaine psychose, à faire croire qu’un climat antisémite s’est installé en France, pour mieux détourner les regards ». Parvenu à ce degré d’ignominie, il ne sert à rien d’argumenter : un bon coup de poing en pleine gueule s’impose, à moins que l’on ne préfère une gifle retentissante.

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« Nuremberg ou la Terre promise » de Maurice Bardèche, suivi du « Mensonge d’Ulysse » de Paul Rassinier : le négationnisme fourbit ses armes.

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Que des dhimmis fondent un État, Israël, et sur des terres qui avaient été musulmanes à un moment de leur histoire, voilà qui perturbait fortement les circuits mentaux des Arabo-musulmans. Ainsi, le refus de l’existence d’Israël devint-il partie constitutive de l’identité arabe. La destruction de l’État juif devint « la condition ontologique de la survie arabe » selon les mots de Georges Bensoussan. L’antisionisme arabe (pour ne citer que lui) graille dans les dépôts d’ordures ; à son menu gastronomique, des infamies concoctées chez les Chrétiens avec, notamment, l’accusation de meurtre rituel (voir « Le Talmud, les Juifs et les sacrifices humains » publié par un journal égyptien). Bien d’autres écrits de cet acabit circulent dans le monde arabe et plus généralement musulman où l’antisionisme cède volontiers la place à de l’antisémitisme pur et dur dans le style de l’hebdomadaire « Der Sürmer » de Julius Streicher, la plus ordurière publication nazie. Le monde musulman a réactivé un ragot d’abord propagé dans le monde chrétien. A ce propos, je rappelle volontiers que l’antisémitisme est une maladie très contagieuse ; on en a ici un excellent exemple.

Du mépris des Juifs à la haine d’Israël qui transmue ce mépris en volonté meurtrière. Cet antisémitisme a été activé par des spécialistes nazis, parmi lesquels, en figure de proue, Johann von Leers, converti à l’islam et responsable de la propagande antisémite dans l’Égypte de Nasser. Dans les années 1950, nombreux sont les spécialistes nazis de la Shoah qui offrent leurs « compétences » à ce pays. Le discours antisémite est ravaudé et nettoyé afin de paraître plus présentable : il se fait antisionisme.  Le sionisme devient ainsi le parangon du Mal en politique. L’État d’Israël est jugé colonial et raciste ; et, de la sorte, en le combattant, se trouve-t-on automatiquement, sans même y penser, dans le camp du Bien, au côté de l’Opprimé par excellence : le Palestinien ! Des citoyens d’obédiences très diverses graillent dans ces dépôts d’ordures.

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Le discours des auteurs de l’Antiquité est souvent hostile aux Juifs. Quelques-uns d’entre eux leur sont favorables, comme Théophraste, disciple d’Aristote, qui voit les Juifs comme une race de philosophes. Cette hostilité anti-judaïque est activée par une méconnaissance de la culture juive et ses pratiques, et d’abord sur la nature du dieu des Juifs. Des auteurs par ailleurs très sérieux se perdent en ragots sur les Juifs, ce qui est d’autant plus surprenant que les Juifs vivent partout dans l’Empire romain, notamment dans les grandes villes, à commencer par Rome. Parmi les nombreux racontars, ceux de Plutarque qui déclare que le dieu des Juifs est Bacchus en se fondant sur de supposées ressemblances entre les rites des Juifs et ceux dédiés à Bacchus. D’autres, comme l’historien Démocrite, s’embarrassent encore moins. Ce dernier déclare que les Juifs adorent une tête d’âne en or et que tous les sept ans ils capturent un étranger et l’immolent en le découpant en petits morceaux. On voit que l’accusation de crime rituel a été concoctée bien des siècles avant l’affaire Guillaume de Norwich, en 1144. Cette accusation va se propager des terres chrétiennes aux terres d’islam.

 

Gravure relative au prétendu crime rituel du petit Simon de Trente (1475).

 

Cette accusation de crime rituel est propagée par Apion que Flavius Josèphe s’emploie à réfuter. Le thème de l’âne se retrouve dans l’antijudaïsme d’alors. Il existe un célèbre graffito anti-chrétien à Rome qui montre un crucifié à tête d’âne, une représentation probablement héritée de l’antijudaïsme, les premiers Chrétiens étant considérés comme membres d’une secte juive et les Juifs étant supposés adorer un dieu à tête d’âne. De fait, les Grecs et les Romains sont perturbés par le caractère immatériel du dieu des Juifs. Au temps des grandes révoltes contre la domination étrangère (entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIe siècle ap. J.-C.), les Juifs se montrent intraitables sur la question de la représentation. Il existe plusieurs récits à ce sujet. On sait par exemple que lorsque Hérode fit placer un aigle d’or sur la porte du Temple, de très violentes émeutes s’en suivirent.

Tacite quant à lui mêle informations fiables et ragots. Juvénal rapporte que Moïse a enseigné aux Juifs de ne jamais indiquer son chemin à un étranger. Mais d’où viennent donc ces racontars ? Maurice Sartre, professeur d’histoire ancienne à l’université de Tours, signale une tradition égyptienne selon laquelle Grecs et Romains auraient puisé. Voir « Histoire de l’Égypte » du prêtre égyptien Manéthon, écrit en grec, au IIIe siècle av. J.-C.

Comment expliquer que des esprits par ailleurs critiques se soient laissés aller à de tels ragots ? Les raisons sont probablement multiples et diverses. L’une d’elles paraît assez claire : la reprise en main, en Judée, entre l’époque maccabéenne et celle de Bar-Kokhba (soit entre 167/164 av. J.-C. et 132/135 ap. J.-C.), de la communauté juive par des responsables rigoristes inquiets de son hellénisation. Il leur fallait marquer la différence afin de s’opposer à l’assimilation.

Olivier Ypsilantis

 

2 thoughts on “De l’antijudaïsme, de l’antisémitisme et de l’antisionisme”

  1. Cher Olivier, j’aimerais vous signaler un article intéressant sur l’antijudaïsme antique d’un historien de l’antiquité greco-romaine, Adalberto Giovannini, intitulé “Les origines de l’antijudaïsme dans le monde grec”.
    La thèse de l’auteur, argumentée, est qu’il faut le penser dans une relation à trois entre Romains, Grecs et Juifs, les seconds ayant été délaissé par les premiers au profit des derniers. Alliance diplomatique entre Romains et Juifs qui bénéficièrent en outre de privilèges spéciaux qui finirent par exacerber les grecs.

    Article à lire sur : persee.fr/doc/ccgg_1016-9008_1995_num_6_1_1601

    Cordialement.

  2. Cher André, ce texte est en effet particulièrement intéressant et je le connais bien puisque j’en ai tiré un article sur ce blog, article publié le 8 décembre 2017 sous le titre « Grecs et Juifs » et que je vous mets en lien :
    http://zakhor-online.com/?p=13241
    Bonne soirée et vive Israël !

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