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Walther von Seydlitz-Kurzbach – 1/2

 

« L’essentiel est que des hommes, dans les conditions les plus difficiles, aient eu le courage de dire non au tyran et aient agi finalement au grand jour, même s’il leur a fallu pour cela risquer leur vie et passer pour traîtres à la patrie. Il fallait porter témoignage face au monde et à l’Histoire » écrit Gilbert Merlio dans « Les résistances allemandes à Hitler ».

 

Ces lignes sur Walther von Seydlitz-Kurzbach s’appuient sur l’excellente synthèse de Madame Claude Becquet-Lavoinne, « Itinéraire du général Walther Seydlitz-Kurzbach (1888-1976) : un officier allemand face au totalitarisme », présentation d’une thèse de doctorat en Histoire contemporaine, soutenue en 2009, à l’Université de Rouen. Cette synthèse a été publiée dans « Seconde Guerre mondiale : réactions et résistances » (Revue trimestrielle d’histoire, PUF, avril 2005, n°218).

 

 Walther von Seydlitz-Kurzbach (1888-1976)

  

Walther von Seydlitz-Kurzbach naît en 1888 à Eppendorf-Hamburg, fils du général Alexander von Seydlitz-Kurzbach, descendant d’une prestigieuse lignée de militaires prussiens. En 1908, il entre à l’armée comme lieutenant. Tout au long de la Grande Guerre, il est sur le front, à l’Est puis à l’Ouest. En 1918, il est capitaine. Deux de ses frères ont été tués au combat. Suite à l’armistice, il juge que « poursuivre les combats aurait été dénué de sens et criminel ». Il est toutefois outré par le Diktat de Versailles – on le comprend – qui rabaisse l’Allemagne, la met au banc de l’Europe, et dans lequel il voit les germes d’une prochaine guerre. Toutefois, son indignation face à ce Diktat ne l’empêche pas de juger que le Reich doit œuvrer pour la paix européenne plutôt que d’exiger une révision du traité.

Walther von Seydlitz-Kurzbach est maintenu dans la Reichwehr. Il se montre soucieux du respect de la légalité – comme tous les officiers de la Reichwehr, il a prêté serment à la République de Weimar. En 1925, alors qu’il est en poste à Schwerin (Mecklembourg-Poméranie), il se lie d’amitié avec Hans Oster. Tous deux servent sous les ordres du colonel Werner von Fritsch. Ci-joint, deux liens Jewish Virtual Library sur Hans Oster et Werner von Fritsch :

http://www.jewishvirtuallibrary.org/werner-von-fritsch

http://www.jewishvirtuallibrary.org/hans-oster

En 1929, Walther von Seydlitz-Kurzbach est muté à Berlin où il travaille dans les services de l’armement du ministère de la Reichwehr et côtoie notamment les généraux Ludwig Beck et Friedrich Fromm (tous deux impliqués dans l’attentat du 20 juillet 1944 et exécutés). Comme de nombreux Allemands, Walther von Seydlitz-Kurzbach commence par voir dans l’accession de Hitler au pouvoir, en 1933, « une restauration de la souveraineté de l’Allemagne » ainsi qu’il l’écrit dans son livre « Stalingrad. Konflikt und Konsequenz. Erinnerungen ». Il ne savait pas encore que la plèbe nazie allait aussi broyer une bonne partie de l’aristocratie allemande, à commencer par les meilleurs de ses membres.

Dès avril 1933, Walther von Seydlitz-Kurzbach est pris par l’inquiétude face aux agissements du régime et, en conséquence, il quitte volontairement Berlin pour une paisible garnison, à Verden an der Aller, en Basse-Saxe. Il juge dangereuse la politique de Hitler, en particulier sa politique d’annexion. Dès septembre 1939, il considère que cette guerre est inepte. Nommé général le 1er décembre 1939, il reçoit le commandement d’une prestigieuse unité, la 12. Infanterie-Division. Deux fois décoré pour sa conduite au front, il est reçu par Hitler. Walther von Seydlitz-Kurzbach l’informe personnellement de la souffrance des troupes prises dans l’hiver russe. Il confiera avoir été ébranlé par l’indifférence du Führer. En février 1942, il défend le général comte Hans von Sponeck qui a reculé, transgressant ainsi l’ordre direct du Führer (Führerbefehl). Ignorant tout des arcanes juridiques, incapable de mener sa défense avec efficacité, il voit son ami condamné à une lourde peine de prison puis fusillé sur ordre de Himmler. Probablement dégoûté, il refuse le poste de chef du personnel de l’armée de terre, une planque, et demande à repartir sur le front. En mars-avril 1942, il rompt l’encerclement à Demjansk, au sud de Leningrad, où sont pris au piège cent mille hommes.

Walther von Seydlitz-Kurzbach est un militaire professionnel, un soldat, en aucun cas un politique. Il travaille autant qu’il le peut à la réorganisation militaire et à la mis en place d’une armée de métier. De part ses origines sociales (la fine fleur de l’aristocratie prussienne), son éthique personnelle (un héritage prussien) et son âge (il a quarante-cinq ans en 1933, lorsque Hitler devient chancelier), il se tient à distance du nazisme. Ses relations tendent à le rapprocher des opposants au régime hitlérien. Parmi ses relations, le colonel Hans Oster de l’Abwehr, le général Günther von Kluge et le colonel Georg Thomas qui, avec le colonel Hans Oster, s’emploie à rapprocher l’opposition nationale-conservatrice de Carl Friedrich Goerdeler et l’opposition militaire du général Ludwig Beck.

Le 8 mai 1942, il prend le commandement du LIe corps et rejoint la VIe armée. Il permet à la Wehrmacht de réussir sa dernière grande bataille d’encerclement. Le 3 septembre 1942, le LIe corps entre dans Stalingrad. L’opération Uranus encercle la VIe armée. Walther von Seydlitz-Kurzbach décide de percer, y compris contre l’avis du haut-commandement. Mais Friedrich Paulus ne veut aller à l’encontre de la volonté de Hitler. Walther von Seydlitz-Kurzbach, dans le mémorandum qu’il adresse à l’état-major général, le 25 novembre 1942, s’élève contre des ordres qui ne peuvent que mener à l’anéantissement d’une armée de deux cent mille hommes, et en appelle à la tradition militaire ancestrale qui ordonne au commandant de suivre sa conscience. Il remet en cause l’autorité de Hitler et le dogme nazi qui l’identifie à la patrie. Il s’en remet non pas au Führer mais au peuple allemand. Il repousse ce commandement sans conscience, cet écrasement du soldat allemand qui n’a rien à voir avec l’honneur militaire. « Aucun des généraux de l’Est n’est allé aussi loin dans la revendication d’une responsabilité morale et politique », écrit Madame Claude Becquet-Lavoinne.

 

Ludwig Beck (1880-1944)

 

Walther von Seydlitz-Kurzbach est fait prisonnier par les Soviétiques. Il juge que toute l’Allemagne va connaître le sort de la VIe armée à Stalingrad et s’interroge sur les moyens d’aider son pays en s’opposant au nazisme alors qu’il est derrière des fils de fer barbelé. Alors, collaborer avec les Soviétiques pour une « autre Allemagne » ? On sait que dès le début de la guerre germano-soviétique, Staline avait encouragé la direction du KPD (Kommunistische Partei Deutschlands) à organiser la résistance au nazisme à partir de l’Union soviétique. Depuis 1941, les communistes allemands s’intéressent aux prisonniers de guerre allemands. En mai 1942, le CAA (Comité antifasciste allemand) est créé au camp de Yelabuga. Dans le Kessel de Stalingrad, Walter Ulbricht et ses collaborateurs sont chargés de déstabiliser les hommes de la VIe armée. Confronté à l’anéantissement progressif de cette armée, Walther von Seydlitz-Kurzbach décide d’agir de sa propre initiative, selon sa conscience. Le CAA peine à convaincre. En juin 1943, Wilhelm Pieck, à la tête d’une délégation, se rend au camp de Suzdal afin d’associer des généraux prisonniers à la lutte contre le nazisme. Piètres résultats.

Toutefois, le 12 juillet 1943, vingt-cinq officiers subalternes et treize émigrés communistes fondent officiellement le NKFD (Nationalkomitee Freies Deutschland) au camp de Krasnogorsk. Piètres résultats, une fois encore. Beria charge alors les services spéciaux et le général du NKVD, Nikolaï D. Melnikov, d’obtenir l’adhésion du maréchal Paulus et de généraux. Refus du maréchal Paulus. Walther von Seydlitz-Kurzbach est approché. Dans son livre, il rapporte que son souci était d’éviter que l’Allemagne entière ne devienne un autre Stalingrad, ce qu’elle deviendrait si Hitler, « un criminel, le dictateur le plus fou et le plus amoral jamais vu depuis des siècles », restait au pouvoir. Et il conclut : « Ma seule préoccupation était de savoir quelle confiance je pouvais accorder aux Soviétiques. Je me basais sur de la collaboration instituée par la Reichswehr alors ; les Soviétiques avaient joué le jeu ».

 

 

 

Les 11 et 12 septembre 1943 est créé le BDO (Bund Deutscher Offiziere) au camp de Luvno, avec près d’une centaine d’officiers présidés par Walther von Seydlitz-Kurzbach. Beria désapprouve toutefois l’idée d’une « Armée de libération allemande », inspirée d’autres groupes de combat étrangers engagés aux côtés des Soviétiques, comme le régiment Normandie-Niémen. En mai 1944, Walther von Seydlitz-Kurzbach propose qu’une division parachutiste allemande saute sur Berlin, ce qui selon lui aurait pour effet d’engager les groupes de résistance intérieurs et de donner le signal d’un soulèvement populaire. Walther von Seydlitz-Kurzbach avait probablement à l’esprit les guerres d’Indépendance de 1813, guerres où l’un de ses parents, Florian Friedrich Anton von Seydlitz (1777-1832), avait eu un rôle de déclencheur.

(à suivre)

 Olivier Ypsilantis   

 

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